Page:Leblanc - L’Île aux trente cercueils.djvu/129

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« Mais pourquoi ? Dans quel but ? Qu’est-ce que tout cela veut dire ? demandait Véronique avec découragement. Quel rapport établir entre ceux d’aujourd’hui et ceux de jadis ? Comment expliquer que l’œuvre soit reprise, et selon les mêmes moyens barbares ? »

Et, après un nouveau silence elle prononçait, car, au fond d’elle, par delà les mots échangés et les problèmes insolubles, l’obsédante pensée ne cessait de la poursuivre :

« Ah ! si François était là ! Si nous étions tous les trois à combattre ! Que lui est-il arrivé ? Qu’est-ce qui le retient dans sa cellule ? Un obstacle imprévu ?… »

C’était au tour de Stéphane de la réconforter :

« Un obstacle ? Pourquoi cette supposition ? Il n’y a pas d’obstacle… Seulement le travail est long…

— Oui, oui, vous avez raison… le travail est long et difficile… Ah ! je suis sûre que, lui, il ne se décourage pas ! Quelle belle humeur ! Quelle confiance ! « Une mère et un fils qui se sont retrouvés ne peuvent plus être séparés l’un de l’autre, me disait-il. On peut encore nous persécuter, mais nous désunir, jamais. En dernier ressort, nous serons vainqueurs. » Il disait vrai, n’est-ce pas Stéphane ? N’est-ce pas, je n’ai pas retrouvé mon fils pour le perdre ?… Non, non, ce serait trop injuste, et il n’est pas admissible… »

Stéphane la regarda, étonné qu’elle s’interrompît. Véronique écoutait.

« Qu’y a-t-il ? fit Stéphane.

— Des bruits… » dit-elle.

Comme elle, il écouta.

« Oui… oui… en effet…

— C’est peut-être François que nous entendons, dit-elle… C’est peut-être là-haut… »

Elle allait se lever. Il la retint.

« Non, c’est un bruit de pas dans le couloir…

— Alors ?… Alors ?… » dit Véronique.

Ils se contemplaient éperdus, sans prendre de décision, ne sachant que faire…

Le bruit se rapprochait. L’ennemi ne devait se douter de rien, car les pas étaient ceux d’une personne qui ne dissimule point son approche.