Page:Leblanc - L’Île aux trente cercueils.djvu/174

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aurais beau me supplier et crier grâce… trop tard ! Le duel, puis la croix, voilà l’affiche. Fais ta prière, Véronique, et invoque le ciel. Appelle au secours, si ça t’amuse. Tiens, je sais que ton gosse attend un sauveur, un professionnel des coups de théâtre, un don Quichotte de l’aventure. Qu’il vienne, celui-là ! Vorski le recevra comme il le mérite. Qu’il vienne ! Tant mieux ! On rigolera. Et que les dieux eux-mêmes se mettent de la partie, et qu’ils prennent ta défense ! je m’en moque. Ce n’est plus leur affaire, c’est la mienne. Il ne s’agit plus de Sarek, et du trésor, et du grand secret, et de tous les trucs de la Pierre-Dieu ! Il s’agit de moi ! Tu as craché sur Vorski, et Vorski se venge. Il se venge ! C’est l’heure magnifique. Quelle volupté ! Faire le mal comme d’autres font le bien, à pleines mains ! Faire le mal ! Tuer, torturer, briser, supprimer, dévaster !… Ah ! la joie féroce, être un Vorski !… »

Il trépignait à travers la pièce, frappait le parquet et bousculait les meubles. Ses yeux hagards cherchaient autour de lui. Tout de suite il eût voulu commencer l’œuvre de destruction, étrangler quelque victime, donner du travail à ses doigts avides, exécuter les ordres incohérents de son imagination de forcené.

Soudain, il tira son revolver, et bêtement, stupidement, lança des balles dans les glaces, creva des tableaux et cassa les vitres des fenêtres.

Et, toujours gesticulant, gambadant, sinistre et macabre, il ouvrit la porte et s’éloigna en vociférant :

« Vorski se venge ! Vorski va se venger ! »