Page:Leblanc - L’Île aux trente cercueils.djvu/188

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« Nous sommes perdus. C’est bien nous qu’on a visés.

— Celui qui nous a visés n’est pas loin, observa Vorski. Ouvrez l’œil… on va chercher… »

Il projeta circulairement un jet de lumière qui scruta les ténèbres environnantes.

« Arrêtez, dit vivement Conrad… Un peu plus à droite… Vous voyez ?

— Oui… oui… je vois. »

À quarante pas d’eux, au delà du chêne tronqué par la foudre et dans la direction du Calvaire-Fleuri, on apercevait quelque chose de blanc, une silhouette qui tâchait, du moins pouvait-on le croire, de se dissimuler derrière un groupe d’arbustes.

« Pas un mot, pas un geste, ordonna Vorski… rien qui puisse lui faire supposer que nous l’avons découvert. Conrad, tu vas m’accompagner. Toi, Otto, reste ici, le revolver au poing, et fais bonne garde. Si on tentait d’approcher et de délivrer la dame, deux coups de feu, et nous rappliquons au galop. C’est compris ?

— Compris. »

Il se pencha sur Véronique et défit un peu le voile. Les yeux et la bouche étaient toujours cachés sous leurs bandeaux. Elle respirait mal, le pouls était faible et lent.

« Nous avons le temps, murmura-t-il, mais il faut se hâter si on veut qu’elle meure selon ce qui a été résolu. En tout cas, elle ne semble pas souffrir… Elle n’a plus conscience de rien… » Vorski déposa sa lanterne, puis, doucement, suivi de son acolyte, et tous deux choisissant les endroits où l’ombre était le plus dense, il se glissa vers la silhouette blanche.

Mais il ne tarda pas à se rendre compte, d’une part, que cette silhouette, qui paraissait immobile, se déplaçait en même temps que lui, de sorte que l’intervalle restait le même entre eux, et, d’autre part, qu’elle était escortée d’une petite silhouette noire qui gambadait à ses côtés.

« C’est ce sale cabot ! » grogna Vorski.

Il activa l’allure : la distance ne diminua pas. Il cou-