Page:Leblanc - L’Île aux trente cercueils.djvu/201

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donnée… La mort a fait son œuvre. La dernière des quatre femmes est morte. Véronique est morte ! »

Il se tut de nouveau, puis hurla deux fois :

« Véronique est morte ! Véronique est morte ! »

De nouveau, il y eut un grand silence attentif.

Et tout à coup le sol trembla, non pas d’une commotion produite par le tonnerre, mais d’une convulsion intérieure, profonde, venue des entrailles mêmes de la terre, et qui se répercuta à diverses reprises comme un bruit dont l’écho se propage à travers les bois et les collines.

Et, presque en même temps, tout près d’eux, à l’autre bout du demi-cercle de chênes, un jet de feu jaillit et monta vers le ciel, dans un tourbillon de fumée où fusaient des flammes rouges, jaunes ou violettes.


Vorski ne prononça pas une parole. Ses compagnons demeuraient confondus. À la fin l’un d’eux balbutia :

« C’est le vieux chêne pourri, celui que la foudre a déjà brûlé. »

En effet, bien que l’incendie se fût éteint presque aussitôt, tous trois gardaient la vision fantastique du vieux chêne, tout embrasé, transparent et vomissant des flammes et des vapeurs multicolores…

« C’est ici l’entrée qui conduit à la Pierre-Dieu, dit gravement Vorski. Le destin a parlé comme je vous l’avais annoncé, et il a parlé contraint par moi, qui fus son serviteur et qui suis son maître. »

Il s’avança, la lanterne à la main. Ils furent surpris de voir que l’arbre n’offrait aucune trace d’incendie et que la masse de feuilles sèches, maintenue comme dans une cuve par l’écartement des quelques branches inférieures, n’avait pas flambé.

« Un miracle encore, dit Vorski. Tout est miracle incompréhensible.

— Qu’allons-nous faire ? demanda Conrad.

— Pénétrer dans l’issue qui nous est indiquée. Apporte l’échelle, Conrad, et avec la main fouille dans ce tas de feuilles. L’arbre est creux et nous verrons bien…