— Ceux d’autrefois ?
— Oui, ceux qui faisaient des sacrifices… ceux qui tuaient les hommes et les femmes… pour plaire à leurs dieux…
— Mais tout cela est fini ! Les druides, vous voulez dire ? Voyons, quoi, il n’y a plus de druides.
— Parlez bas ! parlez bas ! il y en a encore… il y a des mauvais génies…
— Des esprits, alors ? dit Véronique, horripilée par ces superstitions.
— Des esprits, oui, mais des esprits en chair et en os… avec des mains qui ferment les portes et vous emprisonnent… des êtres qui coulent les barques, les mêmes, quoi ! qui ont tué M. Antoine, Marie Le Goff et les autres… ceux qui en ont tué vingt-six… »
Véronique ne répondit pas. Il n’y avait pas à répondre. Elle savait, elle, qui avait tué M. d’Hergemont, Marie Le Goff et les autres, et coulé les deux barques.
Elle demanda :
« À quelle heure vous a-t-on enfermées toutes les trois ?
— À dix heures et demie… alors qu’on avait rendez-vous à onze heures au village, avec Corréjou. »
Véronique réfléchit. Il n’était guère possible que François et Stéphane eussent eu le temps d’être à dix heures et demie à cet endroit, et, une heure plus tard, derrière la roche d’où ils s’étaient lancés sur les deux barques. Devait-on supposer qu’il restait dans l’île un ou plusieurs de leurs complices ?
Elle prononça :
« En tout cas, il faut prendre une décision. Vous ne pouvez demeurer dans cet état. Il faut vous reposer, vous restaurer… »
La seconde sœur s’était mise debout. Elle dit, avec la même intonation sourde et véhémente que sa sœur :
« Il faut, avant tout, se cacher et pouvoir se défendre contre eux.
— Comment ? dit Véronique, qui, malgré elle, éprouvait aussi ce besoin d’un asile contre un ennemi possible.
— Comment ? Voilà. Ce sont des choses dont on