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Page:Leblanc - L’Agence Barnett et Cie, 1933.djvu/112

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L’AGENCE BARNETT ET Cie

La vie devint insupportable pour l’infortuné Béchoux. La présence de Barnett, son persiflage et ses taquineries le jetaient dans une rage croissante. Chaque jour, Barnett revenait, et, après chaque leçon de flûte ou chaque séance de sténo-dactylographie, exhibait son carton. Que faire ? Béchoux ne doutait pas que ce fût une nouvelle farce et que Barnett se gaussât de lui. Mais tout de même, si par hasard, cette fois, Barnett emportait les titres ? s’il se sauvait avec les douze Africaines ? s’il profitait de l’occasion pour déménager son butin ? Alors, bon gré mal gré, Béchoux fouillait, vidait, glissait une main fébrile parmi les objets les plus hétéroclites, torchons déchirés, loques, plumeaux sans plumes, balais cassés, cendres de cheminée, épluchures de carottes. Et Barnett se tenait les côtes de rire.

« Elles y sont ! Elles y sont pas ! Trouvera !… Trouvera pas !… Ah ! bougre de Béchoux, m’auras-tu fait rigoler ! »

Cela dura toute une semaine. Béchoux perdait là, dans une lutte impuissante, tout son congé, et, en outre, se rendait infiniment ridicule dans le quartier. Nicolas Gassire et lui, en effet, n’avaient pu s’opposer à ce que les locataires, tout en acceptant d’être palpés et fouillés, vaquassent à leurs affaires. On jasait. La mésaventure de Gassire faisait du bruit. Ses clients affolés assiégeaient son bureau et réclamaient leur argent. De son côté, M. le député Touffémont, ancien ministre, dérangé dans ses habitudes, et qui, quatre fois par jour, en sortant ou en rentrant, assistait à toute cette effervescence, sommait Nicolas Gassire de prévenir la police. La situation ne pouvait guère se prolonger.