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L’AGENCE BARNETT ET Cie

seul, jusqu’au sommet du donjon, afin que l’enchanteur puisse le chevaucher ? Le miracle des fakirs hindous, quoi !

— Vous aussi, monsieur, dit Barnett, vous êtes obligé d’évoquer un miracle, de même que Jean d’Alescar pour qui c’était la dernière espérance, de même que moi qui ai bâti ma conviction sur cette idée. Mais c’est un miracle qui s’est produit à l’envers de ce que vous imaginez, puisque cela n’a pas eu lieu de bas en haut, selon l’habitude et selon la vraisemblance, mais de haut en bas. »

Cazévon plaisanta :

« La Providence, alors, la Providence qui a jeté une bouée de secours à l’un de ses élus ?

— Même pas la peine d’invoquer une intervention divine, faussant les lois de la nature, prononça Barnett paisiblement, non. Le miracle est de ceux que peut susciter de nos jours le simple hasard.

— Le hasard !

— Rien ne lui est impossible. C’est la force la plus troublante et la plus ingénieuse qui soit, la plus imprévue et la plus capricieuse. Le hasard rapproche et rassemble, multiplie les combinaisons les plus insolites, et, avec les éléments les plus disparates, crée la réalité de chaque jour. Il n’y a plus que le hasard qui fasse des miracles. Et celui que je conçois est-il si extraordinaire à notre époque où il tombe du ciel autre chose que des aérolithes et de la poussière de mondes ?

— Des cordes ! ricana Cazévon.

— Des cordes, et n’importe quoi. Le fond de la mer est semé de choses qui dégringolent des navires dont la mer est sillonnée.