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LES GOUTTES QUI TOMBENT

J’ai reçu votre lettre, et le temps de brosser ma redingote… »

Interdite, elle hésitait à mettre l’intrus à la porte. Mais il lui opposait une telle désinvolture de grand seigneur qui connaît son code de courtoisie mondaine, qu’elle ne put que prononcer : « Vous avez l’habitude, m’a-t-on dit, de débrouiller des affaires compliquées… »

Il sourit d’un air avantageux : « C’est plutôt un don chez moi, le don de voir clair et de comprendre. »

La voix était douce, le ton impérieux, et toute l’attitude gardait une façon d’ironie discrète et de persiflage léger. Il semblait si sûr de lui et de ses talents qu’on ne pouvait se soustraire à sa propre conviction, et Valérie elle-même sentit qu’elle subissait, du premier coup, l’ascendant de cet inconnu, vulgaire détective, chef d’agence privée. Désireuse de prendre quelque revanche, elle insinua :

« Il est peut-être préférable de fixer entre nous… les conditions…

— Totalement inutile, déclara Barnett.

— Cependant — et elle sourit à son tour — vous ne travaillez pas pour la gloire ?

— L’Agence Barnett est entièrement gratuite, madame la baronne. »

Elle parut contrariée.

« J’aurais préféré que notre accord prévît tout au moins une indemnité, une récompense.

— Un pourboire », ricana-t-il.

Elle insista :

« Je ne puis pourtant pas…

— Rester mon obligée ? Une jolie femme n’est jamais l’obligée de personne. »