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LA LETTRE D’AMOUR DU ROI GEORGES

L’inspecteur Béchoux contrastait, comme tenue et comme manières, avec le type courant de l’agent de la Sûreté. Il visait à l’élégance, exagérait le pli de son pantalon, soignait le nœud de sa cravate, et faisait glacer ses faux cols. Il était pâle, long, maigre, chétif, mais pourvu de deux bras énormes, à biceps saillants, qu’il semblait avoir dérobés à un champion de boxe et accrochés, tant bien que mal, à sa carcasse de poids plume. Il en était très fier. D’ailleurs un air de grande satisfaction habitait sa face juvénile. Le regard ne manquait pas d’intelligence et d’acuité.

« Je passais par là, répondit-il, et je me suis dit, connaissant vos habitudes régulières : « Tiens, mais c’est l’heure de Jim Barnett. Si je m’arrêtais… »

— Pour lui demander conseil… acheva Jim Barnett.

— Peut-être », avoua l’inspecteur, que la clairvoyance de Barnett étonnait toujours.

Il restait indécis cependant, et Barnett lui dit :

« Qu’y a-t-il donc ? La consultation paraît difficile aujourd’hui. »

Béchoux frappa la table du poing (et la force de son poing participait du formidable levier que constituait son bras).

« Eh bien, oui, j’hésite un peu. Trois fois déjà, Barnett, nous avons eu l’occasion de travailler ensemble à des enquêtes malaisées, vous comme détective privé, moi comme inspecteur de police, et, les trois fois, j’ai cru constater que les personnes qui avaient sollicité votre concours, la baronne Assermann par exemple, se séparaient de vous avec une certaine rancune.

— Comme si j’avais profité de l’occasion pour les faire chanter… interrompit Barnett.