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LA PARTIE DE BACCARA

même que Paul Erstein, il se plaignit de migraine et se rendit sur le balcon, tout en allumant une cigarette.

On le vit, de loin, par la porte de la rotonde.

Les quatre autres demeuraient immobiles, le visage contracté, les quatre, c’est-à-dire Auvard, Dupin, Batinet… et Jim Barnett, qui avait pris la place de Maxime Tuillier.

Et, à son tour, Jim Barnett se leva. Par quel phénomène avait-il réussi à donner à sa figure, à sa silhouette, l’apparence même de Maxime Tuillier, qu’il venait d’écarter du jeu et dont il tenait la place ? Maxime Tuillier était un garçon d’une trentaine d’années, serré dans sa veste, le menton glabre, un lorgnon d’or sur le nez, l’air maladif et inquiet. Jim Barnett fut cela. Il s’avança vers la rotonde lentement, d’un pas d’automate, avec une expression qui était tantôt dure et implacable, tantôt indécise et effarée, l’expression d’un homme qui va peut-être accomplir un acte terrible, mais peut-être aussi s’enfuir comme un lâche avant de l’avoir accompli.

Les joueurs ne le voyaient pas de face. Mais les magistrats le voyaient. Et ils oubliaient Jim Barnett, interprète dont ils subissaient la puissance pour ne songer qu’à Maxime Tuillier, joueur décavé, qui rejoignait son adversaire victorieux, qui rejoignait Paul Erstein, c’est-à-dire le porteur des quatre liasses de billets. Dans quelle intention cette poursuite ? Son visage, qu’il cherchait à maîtriser, trahissait le désordre de son esprit. Allait-il prier, ou ordonner, ou menacer ? Quand il entra dans la rotonde, il était calme.

Il referma la porte.

La représentation du drame — drame imaginé ou re-