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L’HOMME AUX DENTS D’OR

rebondi qui tendait le cachemire d’une pauvre soutane luisante.

« Monsieur le curé, dit Barnett, je ne sais rien de l’affaire qui vous préoccupe. Mon ami, l’inspecteur Béchoux, m’a dit simplement qu’il avait eu l’occasion de vous connaître jadis. Voulez-vous maintenant me donner quelques explications, sans vous perdre dans des détails inutiles ? »

L’abbé Dessole avait dû préparer son récit, car, sur-le-champ et sans hésitation, tirant du fond de son double menton une voix de basse chantante, il commença :

« Sachez, monsieur Barnett, que les humbles desservants de cette paroisse sont en même temps gardiens d’un trésor religieux qui, au dix-huitième siècle, fut légué à notre église par les seigneurs du château de Vaneuil. Deux ostensoirs d’or, deux crucifix, des flambeaux, un tabernacle, il y a là — hélas ! dois-je dire : il y avait là ? — neuf pièces de valeur, que l’on venait admirer de vingt lieues à la ronde. Pour ma part… »

L’abbé Dessole s’essuya le front où perlait une sueur légère, et il reprit :

« Pour ma part, je dois dire que cette garde me sembla toujours pleine de dangers, et que je l’exerçais avec une attention où il y avait autant de conscience que de peur. Vous pouvez voir d’ici, par cette fenêtre, le chevet de l’église et la sacristie aux murs épais où se trouvaient les objets sacrés. Dans cette sacristie, une porte unique, en chêne massif, ouvre sur le pourtour du chœur. Moi seul en ai l’énorme clef. Moi seul possède la clef du coffre réservé au trésor. Moi seul accompagne les visiteurs. Et, chaque nuit, comme la fenêtre de ma chambre n’est