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Page:Leblanc - L’Aiguille creuse, 1912.djvu/138

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L’AIGUILLE CREUSE

— Non, non, protestai-je avec une sorte d’épouvante… il ne se peut pas…

— Il ne se peut pas que ce soit moi, parce que je suis mort, hein, et que vous ne croyez pas aux revenants ?

Il rit de nouveau.

— Est-ce que je suis de ceux qui meurent, moi ? Mourir ainsi, d’une balle tirée dans le dos, par une jeune fille ! Vraiment, c’est mal me juger ! Comme si, moi, je consentirais à une pareille fin !

— C’est donc vous ! balbutiai-je, encore incrédule, et tout ému cependant… c’est donc vous !… Je ne parviens pas à vous retrouver…

— Alors, prononça-t-il gaiement, je suis tranquille. Si le seul homme à qui je me sois montré sous mon véritable aspect ne me reconnaît pas aujourd’hui, toute personne qui me verra désormais tel que je suis aujourd’hui ne me reconnaîtra pas non plus quand elle me verra sous mon réel aspect… si tant est que j’aie un réel aspect…

Je retrouvais sa voix, maintenant qu’il n’en changeait plus le timbre, et je retrouvais ses yeux aussi, et l’expression de son visage, et toute son attitude, et son être lui-même, à travers l’apparence dont il l’avait enveloppé.

— Arsène Lupin, murmurai-je.