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Page:Leblanc - L’Aiguille creuse, 1912.djvu/19

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L’AIGUILLE CREUSE
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ment rauque, le râle d’un être qu’on égorge…

Raymonde bondit vers la porte. Suzanne s’accrocha désespérément à son bras.

— Non… ne me laisse pas… j’ai peur.

Raymonde la repoussa et s’élança dans le corridor, bientôt suivie de Suzanne qui chancelait d’un mur à l’autre en poussant des cris. Elle parvint à l’escalier, dégringola de marche en marche, se précipita sur la grande porte du salon et s’arrêta net, clouée au seuil, tandis que Suzanne s’affaissait à ses côtés. En face d’elles, à trois pas, il y avait un homme qui tenait à la main une lanterne. D’un geste, il la dirigea vers les deux jeunes filles, les aveuglant de lumière, regarda longuement leurs visages, puis sans se presser, avec les mouvements les plus calmes du monde, il prit sa casquette, ramassa un chiffon de papier et deux brins de paille, effaça des traces sur le tapis, s’approcha du balcon, se retourna vers les jeunes filles, les salua profondément, et disparut.

La première, Suzanne courut au petit boudoir qui séparait le grand salon de la chambre de son père. Mais dès l’entrée, un spectacle affreux la terrifia. À la lueur oblique de la lune on apercevait à terre deux corps inanimés, cou-