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L’AIGUILLE CREUSE

Un matin, il déjeunait dans une auberge, en vue d’Honfleur, antique cité de l’estuaire. En face de lui, mangeait un de ces maquignons normands, rouges et lourds, qui font les foires de la région, le fouet à la main, une longue blouse sur le dos. Au bout d’un instant, il parut à Beautrelet que cet homme le regardait avec une certaine attention, comme s’il le connaissait ou du moins comme s’il cherchait à le reconnaître.

— Bah ! pensa-t-il, je me trompe, je n’ai jamais vu ce marchand de chevaux et il ne m’a jamais vu.

En effet, l’homme sembla ne plus s’occuper de lui. Il alluma sa pipe, demanda du café et du cognac, fuma et but.

Son repas achevé, Beautrelet paya et se leva. Un groupe d’individus entrant au moment où il allait sortir, il dut rester debout quelques secondes auprès de la table où le maquignon était assis, et il l’entendit qui disait à voix basse :

— Bonjour, monsieur Beautrelet.

Isidore n’hésita pas. Il prit place auprès de l’homme et lui dit :

— Oui, c’est moi… mais vous qui êtes-vous ? Comment m’avez-vous reconnu ?

— Pas difficile… Et pourtant je n’ai jamais