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XIX

La princesse Irène.

Zoris réfléchit longtemps la tête inclinée sur sa poitrine. Puis il reprit avec accablement, très bas, comme s’il voulait se confesser et qu’il espérait pourtant n’être pas entendu :

— C’est vrai, et je vous l’ai dit, monsieur, j’ai tué… Le crime, je ne l’avais pas préparé… C’est le hasard… Au dernier moment, Georges d’Esmiane, mon associé, avait refusé de me vendre le domaine, et il est venu s’y installer avec ses filles, celles qui sont toujours, pour moi, les petites. Un dimanche, tandis qu’il se faisait construire le pavillon, il a découvert la galerie souterraine qui aboutit maintenant dans cette chambre… J’étais avec lui… Il a descendu les pentes… Et il a vu la statue que j’y avais cachée… Marie-Eudoxie… Alors, dans un coup de folie, je me suis rué sur cet homme qui surprenait mon secret et je lui ai frappé la tête avec une pierre. Il est tombé. La nuit, j’ai pu le porter dehors… Personne ne nous avait vu entrer… Personne même ne savait que j’étais dans le domaine… J’ai pu me sauver. Le lendemain, on a cru qu’il était mort subitement…

Un nouveau silence suivit. Stéphane avait écouté, dans l’épouvante. Zoris avait tué Georges d’Esmiane, le père des quatre sœurs dont il s’était fait nommer le tuteur par la suite, et il avait vécu près d’elles !

Zoris prit un des flacons et en versa la moitié dans une petite tasse, qu’il vida.

Séphora se leva brusquement.

— Qu’est-ce que tu as bu, là ?

— Une de mes drogues habituelles, dit-il.

— Ce n’est pas vrai ! ce n’est pas vrai ! Je les connais toutes, sauf celle-ci.

Il sourit.

— Que veux-tu que ce soit ? de la ciguë ? Ne le croyez pas, jeune homme. Ce n’est pas parce que je lis La Mort de Socrate que je vais m’empoisonner. Allons, Séphora, ne t’inquiète pas.