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Page:Leblanc - L’Image de la femme nue, 1934.djvu/24

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maurice leblanc

de « vamp » où elle s’était illustrée. En ville, elle n’avait rien de la « vamp », ni air fatal, ni pâleur excessive, ni attitude mystérieuse. Elle était, au contraire, fort naturelle, rose de visage, de physionomie heureuse, très gaie, très vivante, et très franche dans sa coquetterie.

— Voilà, dit-elle — et quel joli sourire mit en valeur une bouche assez grande, à lèvres épaisses et sensuelles ! — voilà. Je suis venue à Paris pour quelques heures seulement, et avec le désir de les passer ici, dans cet atelier. Vous ne me refuserez pas cela, n’est-ce pas, monsieur, puisque je reprends le train ce soir ? Et je suis si contente de vous rencontrer, j’ai une chose si grave à vous demander !

Elle riait joyeusement, d’un rire chantant, mêlé à ses phrases, et qui donnait à ses intonations une légèreté de vocalises.

Stéphane riait aussi, amusé et intrigué par elle.

— Votre demande est accordée d’avance, mademoiselle. Mais peut-être une explication…

— Une explication est nécessaire ?… Oui… mais difficile… Un peu gênante… parce que… parce que…

Pour la mettre à l’aise, Stéphane prononça gaiement :

— Voulez-vous que je commence, moi, et que je vous demande un service ?

— Un service, à moi ! Comme je serais contente ! Mais ce n’est pas possible.

— Très possible, puisque, justement, je désirais vous voir. J’ai même envoyé quelqu’un à votre recherche. Tenez, voici son télégramme.

Elle battit des mains, enchantée :

— Vite ! Parlez ! Jamais je n’ai été curieuse à ce point. Vite !

— Vous êtes bien la filleule, la fille adoptive de Lady Chomley ?

— Certes.

— Et Lady Chomley avait acheté jadis un yacht ?…

Là-dessus, Barbara éclata de rire !

— Oui… un yacht… le Prince-de-Galles… et vous voudriez savoir à qui elle l’a vendu, et à qui appartenait le bateau qui emportait la statue, n’est-ce pas ? Ah ! que c’est drôle ! que c’est drôle !…

— Qui vous a raconté ?…

— Votre père !… votre père !… C’est même pour cela qu’il était venu vers moi… tenez… il y a deux ans… en octobre. Il a connu ma présence à Nice et il est accouru de Bretagne.

Stéphane se renfrogna, certain que c’était encore là une conquête de son père, lequel, suivant la même piste que lui, avait quitté précipitamment Adrienne Maubrez et s’était épris de la belle Barbara.

Il demanda, d’un ton maussade :