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l’image de la femme nue

que, quand ils seraient désunis, elle s’effondrerait en sanglots, comme elle le fit sans transition, tordrait ses mains jointes, invoquerait la Sainte Vierge, et balbutierait avec un désespoir qui le froissait :

— Allez-vous-en… Je ne veux plus vous voir jamais… Allez-vous-en… Ah ! quelle honte ! Comment oublier ?…

Le lendemain, il reçut cette lettre :

« Adieu. Tout s’est fait en dehors de notre volonté et par manque de confiance. Nous aurions dû parler du passé sans détour et nous serions devenus de grands amis, ce qui eût été plus digne de nous. — « Adrienne. »

— Elle a mille fois raison, pensa Stéphane, furieux contre lui-même. Si cette femme a été l’amie de mon père, mon premier devoir était de la respecter.

Trois semaines plus tard, l’inspecteur Denizon lui envoyait de Provence les résultats assez importants de son enquête. Le camion, abandonné jadis dans le vieux hangar, avait, auparavant, déposé sur le quai d’Arles une caisse de grandes dimensions. La nuit même, cette caisse était embarquée dans un vapeur qui, le lendemain, descendait le Rhône. Le vapeur s’appelait à cette époque Le Prince-de-Galles et, aménagé en yacht de plaisance, il avait été vendu, un mois avant le vol, par une Anglaise, Lady Chomley. Vendu à qui ? Lady Chomley ne vivait plus, mais elle avait laissé une filleule, adoptée par elle, et qui, étoile de cinéma connue sous le nom de Barbara Réal, tournait depuis un an à Hollywood.

« — Actuellement, concluait l’inspecteur, elle fait un voyage en Europe et j’ai vu son nom parmi les arrivants à Monte-Carlo. J’y vais.

Le lendemain soir, télégramme de Denizon :

« La star partie tantôt en excursion. S’embarque mercredi pour retourner en Amérique. Ai pris toutes dispositions pour la rencontrer. »

Stéphane attendit impatiemment. Savoir qui fut l’acheteur du Prince-de-Galles constituerait un progrès sérieux, puisqu’on saurait par là même qui fut le voleur de la statue.

Il passa l’après-midi suivante dans l’atelier.

À quatre heures, on sonnait.

Le domestique alla ouvrir, puis lui annonça qu’une dame demandait à le voir.

— Faites entrer, dit Stéphane.

Une grande femme blonde apparut et se présenta :

— Barbara Réal.

Stéphane la reconnut, l’ayant vue sur l’écran, dans un de ces rôles