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l’image de la femme nue

très souple, avec une large écharpe qui le double aux épaules et sur laquelle la tête s’appuie. Et, de ce manteau, qui doit être ample et long, mais qui s’est relevé, sortent deux jambes nues délicieuses, d’une forme admirable, fines et pleines, faites d’une chair d’or brun, pétries de soleil, nerveuses aussi, où l’on sent que l’effort est aisé, et qui sont, du haut en bas, du renflement des cuisses aux minces chevilles, de la même matière, polie, fine, douce au regard, comme elle doit l’être au toucher. Les pieds sont nus, chaussés de fortes semelles de cuir qu’attachent des courroies fauves. Du rouge aux ongles, ainsi qu’aux ongles de la main, car on voit également un des bras qui coule hors du manteau, un bras nu de la même qualité et de la même pureté que les longues jambes. Autour du coude, la bride est enroulée.

La vision est si chaste que le jeune homme recule d’un pas, mais ses yeux ne peuvent s’en détacher.

Pour lui, le doute n’est pas possible. Cette femme est bien celle qui est venue au-devant de lui. Sans quoi comment serait-elle là ? Elle est arrivée plus tôt et s’est endormie. Rien dans sa pose n’est affecté. Elle n’a pas dû se dire qu’elle serait surprise dans son sommeil et qu’il fallait que son attitude fût harmonieuse. Elle sourit confusément et ses lèvres sont charmantes.

Un nuage passe sur le soleil, qui reprend aussitôt toute sa force. Un silence, léger, sans bruissement de feuille, sans clapotement d’eau, sans palpitation de brise, flotte dans l’air immobile. Les paupières de la jeune femme se sont soulevées.

Elle n’éprouve aucune gêne à se trouver ainsi en face d’un homme. Tout au plus redresse-t-elle lentement son buste et, sans hâte aucune, recouvre-t-elle ses jambes avec la fourrure. Cependant, cet homme qu’elle attendait, elle semble s’étonner de le voir, comme si elle n’eût pas cru qu’il pût être là. Elle sourit davantage et dit :

— Alors, c’est bien vrai ? Vous n’êtes pas un fantôme ? Dans ce pays, où il y a tant de mirages, on se fait illusion quelquefois. Donnez-moi la main.

Elle serre la main qui lui est tendue et murmure en riant :

— Décidément, vous n’êtes pas un fantôme. Dites-moi votre nom ?

Il réplique, en riant aussi :

— Mon nom ? Vous le connaissez puisque vous m’avez appelé au téléphone avant-hier.

Elle hoche la tête.

— Ah ! je vous ai téléphoné ? Peut-être en fut-il ainsi… En rêve, on fait des choses dont on ne se rend pas compte. Et c’est peut-être en rêve aussi que vous avez cru que l’on vous téléphonait. Quel est votre nom ?