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mur de la terrasse, et qui faisait pendant à l’autre. Une large avenue traversait le bois touffu des pins parasols, et le conduisit aux pelouses qui ornaient la terrasse. Tout au bout, des lumières brillaient aux fenêtres d’un bâtiment, château ou maison, dont on distinguait la masse allongée.

Pour n’être pas vu, Stéphane se glissa le long des haies d’arbustes taillés, et il arriva ainsi sur un terre-plein peu élevé d’où il dominait la partie de la terrasse qui s’étendait cent mètres plus loin, devant le château, en face de la mer.

Elle était animée par des groupes de jeunes femmes et d’officiers de marine qui s’y promenaient sous la lueur des torches. Une musique douce s’éleva, musique de mandoline que jouait une lourde gitane en noir, assise sur le perron, et qu’elle accompagnait d’une voix grave de contralto.

Quand elle eut fini, elle joua un tango que quatre couples dansèrent, quatre femmes, vêtues de blanc, et quatre officiers. Un cinquième officier chantait en anglais avec des intonations pâmées et sensuelles, d’une poésie vulgaire et prenante.

Durant deux heures, on dansa. Un vieux domestique à costume de gitane offrait des coupes de champagne.

Stéphane ne doutait pas que la Dame de la Camargue ne fût parmi les femmes. Mais comment la reconnaître ? Toutes les quatre, de loin, paraissaient également flexibles, onduleuses et pleines de grâce, et tour à tour chacune d’elles lui donnait l’impression qu’il voyait sa maîtresse d’un soir. Quand elles se présentèrent toutes quatre en une danse rythmique, ce fut un enchantement. Stéphane admirait indifféremment la distinction de leurs gestes, la chasteté de leurs attitudes et la légèreté de leurs évolutions. Leurs jambes et leurs bras apparaissaient nus sous le voile impalpable de leurs tuniques grecques.

Au dernier coup de minuit que sonna l’horloge du château, les lumières s’éteignirent et les officiers s’en allèrent. Dix minutes plus tard, le fanal du canot glissait sur la mer, au milieu des détonations du moteur.

La magie de tant de beauté radieuse retint Stéphane dans le jardin, tout ému par le souvenir du joli corps qu’il avait pressé contre lui, et par l’espoir de le saisir de nouveau entre ses bras. Son cœur battait davantage à chaque pas qu’il faisait vers la demeure inconnue. Cette journée de miracles ne s’achèverait-elle pas sur le miracle suprême de trouver là l’ensorcelante et naïve Dame de la Camargue ? Il y croyait fermement.

Des volets furent clos. Au premier étage, trois fenêtres, puis deux,