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maurice leblanc

restèrent allumées. Bientôt il n’y en eut plus qu’une. Au balcon s’appuyait une silhouette blanche. Il sortit de l’ombre et passa entre des massifs d’arbustes et les fenêtres du rez-de-chaussée. Il était impossible qu’elle ne le remarquât pas.

Il fit un geste de la main. Elle chuchota quelques mots qu’il ne put entendre et elle rentra dans la chambre. Il attendit un moment. Tout fut éteint. Puis il vit quelque chose qui descendait le long du mur. C’était une échelle de corde. Quand elle fut assujettie là-haut et qu’il en eut éprouvé la résistance, il monta et avisa dans les ténèbres la forme blanche. Deux bras l’étreignirent et une bouche lui donna un baiser frais, parfumé, qui lui sembla plus frais et plus imprégné de parfums de fleurs que tous les baisers qu’il eût jamais reçus.

Il l’interrompit pour dire toute sa joie :

— Nausicaa !… comme je suis heureux, chère Nausicaa !

Elle frissonna contre lui et l’excès de son plaisir dut la faire souffrir, car elle eut un mouvement insolite pour se dégager, comme si elle voulait reprendre conscience avant de s’abandonner. Il la retint prisonnière, et, quoiqu’elle s’efforçât de rejeter son buste en arrière, il l’attirait avec un tel désir que la bouche qui se dérobait fût prise de nouveau.

Elle balbutiait éperdue :

— Je vous en prie… je vous en prie…

Mais son corps défaillait. Ses jambes fléchirent. Elle s’agenouilla sur un lit de coussins proche, s’y étendit soudain avec la résolution farouche du consentement et bientôt ne fut plus que gémissement et pâmoison.

Sans doute avait-elle épuisé d’un coup toutes les raisons incompréhensibles de sa vaine résistance, car elle ne laissa pas à son amant le loisir de parler. Elle semblait hostile à toute explication et ne répondait que par un redoublement de caresses et des exigences auxquelles il cédait avec un ravissement étonné.

— Nausicaa… chère Nausicaa… l’amour vous a déjà toute changée.

Il retrouvait une maîtresse plus experte et plus ingénieuse, avec un corps plus sensible et des formes plus pleines. Et toujours cette fraîcheur du baiser…

Elle quitta le lit et alla doucement ouvrir la fenêtre et accrocher l’échelle, Elle avait recouvert sa nudité d’une longue chemise. Stéphane l’ayant rejointe, elle lui entoura le cou de ses deux bras et dit, d’une voix basse et enjouée :

— J’ai quelque chose à vous avouer, mon ami. Mais la confidence est si terrible que je n’ose pas…