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VIII

Véronique.

Au sortir de sa torpeur, soulevant un peu les paupières, Stéphane se rend compte qu’il est couché dans la plus grande cabine de la péniche. Toute la clarté d’un ciel ensoleillé se répand par la fenêtre, et un miroir reflète la mer bleue.

Il lui semble que ce miroir, placé sur un pan coupé, lui renvoie aussi l’image d’une femme assise à côté de lui. Pour s’en assurer, il lui faudrait tourner la tête, ce qu’il évite de faire, autant par lassitude que par indifférence.

Il s’assoupit encore un peu, et, dans son demi-sommeil, il sent que des mains adroites lavent délicatement la blessure de sa tête et la couvrent d’un pansement humide. Il ouvre les yeux. Une femme est debout, qu’il ne connaît pas. Elle a des yeux noirs, brûlés de fièvre, une figure pâle, une beauté énergique et intelligente. Elle porte une blouse blanche d’infirmière et un faux col souple, à la façon d’un homme.

Elle lui dit :

— Je ne vous fais pas de mal ?

D’un signe, il affirme que non.

— Vous souffrez, n’est-ce pas ?

Il fait signe que oui.

— Ce sont de ces coups très pénibles, mais sans conséquences. Confiez-vous à moi. J’ai l’habitude.

Après une heure ou deux de silence, la porte s’ouvre doucement. Par la glace il voit une autre femme qui passe la tête avec précaution. C’est la femme qui, la veille au soir, l’accueillit dans sa chambre, Lœtitia.

Curieuse, inquiète, elle chuchote :

— Irène !

L’infirmière lui dit :

— Tu peux entrer, Lœtitia.

Elle se glisse sans bruit dans la cabine. Elle est habillée comme l’était la Dame de la Camargue, mais avec des vêtements plus amples et de teinte brune. Elle est moins blonde que la Dame, d’aspect moins juvénile, un peu plus grande peut-être. Les épaules sont découvertes.

Elles ont, à voix basse, une conversation dont il perçoit quelques phrases :

— Tu es sûre, Irène, que ce n’est rien ?

— Rien. Deux ou trois jours de grande fatigue, d’étourdissement. Mais il aurait pu se tuer.

— Ah ! tais-toi, Irène. Alors, es-tu d’avis que je prévienne Véronique ?