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maurice leblanc

et tomba. Un homme se jeta aussitôt sur lui et le saisit à la gorge, cherchant à l’étrangler.

Il lutta désespérément. L’agresseur était solide et serrait avec des doigts puissants. Malgré tout, comme ils roulaient sur le parquet, Stéphane réussit à sortir un revolver et tira, sans pouvoir viser. Aussitôt, l’homme se dégagea, recula d’un pas ou deux, et, s’élançant de nouveau, frappa Stéphane à la tête, avec l’instrument dont il s’était servi pour le frapper déjà à la jambe.

Stéphane fut étourdi. Dans un effort suprême, il tira une seconde balle. L’individu, effrayé, sauta par-dessus le bastingage et plongea dans la mer.

Stéphane resta dix minutes assis au pied d’un mât et tenant son revolver, au cas d’un retour offensif. Mais ses idées s’embrouillaient. Un afflux de sang montait à son crâne douloureux, tandis qu’il se répétait avec opiniâtreté et d’une voix de plus en plus faible :

— Il ne faut pas qu’on sache que j’ai été attaqué. Il ne le faut pas.

Sa pensée confondait les deux femmes qu’il ne voulait pas inquiéter… ses deux maîtresses… la Dame de la Camargue… et puis l’autre… Lœtitia, qui avait les lèvres si fraîches.

Aux premières lueurs de l’aube naissante, quelqu’un vint, qui sifflotait comme un homme qui flâne en se rendant à son travail quotidien. Il descendit l’échelle. Il portait une vareuse de matelot, avec des boutons de métal.

Il aperçut le blessé et se récria.

Stéphane eut le temps de balbutier :

— Je suis tombé. Ma tête a porté je ne sais où…

— Vous en faites pas, mon bon monsieur, lui dit l’homme en le relevant, Solari va vous soigner. Solari, c’est moi, le patron du Castor, je devrais dire le mécanicien, car je suffis à tout, avec un camarade.

Mais Stéphane n’écoutait pas. Il s’était évanoui.