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Page:Leblanc - L’Image de la femme nue, 1934.djvu/74

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maurice leblanc

rivage. De loin, Flavie lui parut peu élégante. Avant qu’elles n’eussent atteint l’escalier de la terrasse, Zoris l’avait remonté sans les attendre, c’est-à-dire sans accueillir l’arrivée de Flavie.

Durant deux jours, Stéphane ne vit point Véronique. Elle l’en avait prévenu, désirant ne pas quitter sa sœur.

Le troisième jour, sur la demande de Véronique, il vint au château et fut présenté à Flavie. Il eut une déception. Belle de visage comme ses sœurs, de traits plus accusés, elle se coiffait mal, et tirait ses cheveux en arrière avec une correction qui ne l’avantageait pas. Sa robe trop longue, de coupe médiocre, ne laissait rien voir d’elle. Cependant, elle était affable, et sa poignée de main fut franche.

Ces menus incidents retinrent à peine l’attention de Stéphane, tout son esprit demeurant concentré sur l’énigme de la statue et sur les moyens de la découvrir. Il passa le reste de cette journée dans le domaine, évitant les approches du château, mais fouillant du regard les environs de la clairière, et scrutant les cavités où l’on avait pu accumuler les feuilles mortes, les cailloux et les détritus.

Après trois heures de vaine battue, il s’en alla par le même sentier des tours qu’il avait pris en venant, et par où, la première fois, Véronique l’avait déjà conduit. Or, au pied de la tour de l’Acropole, entre deux des pierres qui en formaient la base séculaire, il vit une enveloppe placée de telle manière qu’il ne pouvait pas ne pas la voir.

Cachetée, elle portait visiblement son nom.

Il l’ouvrit. Dès les premiers mots, il s’arrêta, stupéfait :

« La statue a été jetée en pleine mer… »

C’étaient les mots mêmes par quoi commençait la lettre envoyée d’Arles à son père, six mois auparavant, avertissant celui-ci de la visite qu’il recevrait, tel soir… Après cette visite, Guillaume Bréhange se suicidait.

Bien plus, l’écriture de cette lettre ressemblait étrangement à l’écriture de l’autre.

Stéphane se hâta de rentrer. Dans sa cabine, il gardait, toujours fermée, une de ses deux valises. Elle contenait certains dessins de la femme nue et quelques documents.

Il y trouva la lettre expédiée à son père, et la compara à la sienne : c’était, en effet, la même écriture.

Il acheva de lire :

« La statue a été jetée en pleine mer. Donc, abandonnez une entreprise dangereuse, et peut-être, si vous persistez, mortelle. En tout cas, vous êtes prévenu. »

Ainsi donc, l’ennemi, tout en restant masqué, proclamait sa présence et menaçait. Comme hommes, dans le domaine d’Esmiane, Zoris et les