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Le lourd battant d’acier fut tiré.

À l’intérieur, beaucoup de dossiers, dont il ne regarda même pas les titres. Il cherchait évidemment autre chose.

Il écarta ceux d’en haut, puis ceux de la case intermédiaire, passant la main en arrière des paperasses. À la seconde tentative, il ramena un écrin bleu, assez grand, et qui devait être la chose dont il s’enquérait.

Toujours agenouillé, il se tourna un peu vers la fenêtre afin de mieux y voir, ce qui permit à Raoul de ne pas perdre un seul de ses mouvements.

Le couvercle fut soulevé. L’écrin bleu contenait une demi-douzaine de diamants que le jeune homme examina lentement, un à un, et qu’il mit dans sa poche, un à un, avec les mêmes gestes flegmatiques.

Et c’était ce flegme qui surprenait Raoul. Il avait la preuve que l’affaire était préparée de telle façon, que les renseignements étaient si bien recueillis et les mesures si bien prises, que Félicien pouvait agir en toute tranquillité. Il ne prêtait même pas l’oreille aux bruits de la cour et de la maison. Il savait qu’à cette heure-là aucune intervention ne le troublerait.

« Faire de l’enfant un voleur. » avait prescrit la comtesse de Cagliostro. Si tant est que Félicien fût l’enfant désigné, l’ordre était exécuté. Félicien volait. Félicien cambriolait. Et avec quelle maîtrise ! Aucun mouvement inutile. Du sang-froid, de la méthode. De la réflexion. Arsène Lupin n’aurait pas mieux fait.

Lorsqu’il eut vidé écrin, il s’assura qu’il n’y avait pas de double-fond, et s’assura également que le casier inférieur du coffre ne contenait que des dossiers, et il s’occupa de refermer.

Raoul, préférant éviter la rencontre, se glissa dans le vestiaire et se mit à l’abri des vêtements pendus. Nulle appréhension, du reste, n’avait effleuré Félicien qui s’éloigna sans soupçonner un instant qu’il avait pu être surveillé.

Il traversa l’extrémité de la cour, sortit, et, du dehors, ferma la serrure à clef et le verrou à clef.

Alors, Raoul regagna la grande pièce. Et la sécurité de Félicien avait été si profonde qu’il en garda pour lui-même l’agréable sensation et qu’il s’assit confortablement dans un fauteuil, pour méditer à son aise.

« Faire de l’enfant un voleur. » La volonté de la Cagliostro s’accomplissait. Félicien volait, et il avait volé sous les yeux de son père. Quelle effroyable vengeance !

« Oui, effroyable, se dit Raoul, si réellement c’est mon fils. Mais puis-je admettre que mon fils soit un voleur ? Voyons, Lupin, tu es franc avec toi-même, n’est-ce pas. Personne ne t’écoute. Tu n’as pas besoin de jouer la comédie. Eh bien, si, au fond de ta loyale conscience, tu avais cru, durant l’espace d’une seconde, que ce vulgaire escroc, pût être ton fils, est-ce que tu n’aurais pas souffert la pire des morts ? Oui, n’est-ce pas ? Or, tu n’as pas souffert en voyant Félicien cambrioler. Donc, Félicien n’est pas ton fils. C’est clair comme de l’eau de roche, et je défie quiconque de me prouver le contraire… Décidément, mon vieux Félicien, tes actions dégringolent de nouveau ! Tu peux voler si ça t’amuse, je m’en contrefiche. »

Et il ajouta, à haute voix :

« Maintenant, la question peut se poser autrement… »

Mais Raoul ne se posa pas cette autre question. Il avait mieux à faire que de ratiociner. Il avait à fouiller les tiroirs de ce bureau.