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automobile. La vôtre, sans doute ?

— La mienne.

À ce moment, quelqu’un frappa à la porte du cabinet de M. Rousselain qui répondit :

— Entrez.

Quelqu’un entra, un garçon vigoureux, taillé en hercule.

— Vous m’avez demandé, monsieur le juge d’instruction ?

— Oui, pour un renseignement. Mais d’abord que je vous présente : « Mauléon, commissaire de la police judiciaire. » Vous connaissez le commissaire Mauléon, monsieur d’Averny ?

— De nom, certes. Le commissaire Mauléon fut l’ennemi acharné du fameux Arsène Lupin, dans l’affaire des Bons de la Défense[1].

— Et vous, Mauléon, reprit M. Rousselain, vous connaissez M. d’Averny ?

Mauléon se taisait, comme interdit, les yeux attachés à Raoul. À la fin, il sauta sur place et balbutia :

— Mais oui… mais oui… crebleu de crebleu, mais c’est…

Le juge d’instruction l’arrêta, lui prit le bras et l’entraina à l’écart. Ils eurent une ou deux minutes de conversation animée, puis M. Rousselain lui ouvrit la porte en disant :

— Restez là, dans le couloir, Mauléon. Et appelez donc quelques camarades pour vous tenir compagnie. En tout cas, le silence là-dessus ! N’en soufflez pas mot, hein ?

Il revint, et se mit à marcher vivement, le ventre bondissant sur ses jambes courtes et sa figure débonnaire toute crispée.

Raoul le regardait, en ruminant :

— Ça y est. Je suis identifié. Au fond, malgré son peu de souci de toute réclame, ça lui ferait rudement plaisir de coffrer Lupin… Quelle gloire ! Mais osera-t-il prendre ça sur lui-même ? Tout est là. S’il peut agir et mettre sa signature au bas d’un mandat, personne au monde ne peut le lui interdire… Personne au monde !

M. Rousselain se rassit brusquement, frappa la table de son coupe-papier, et, d’une voix rauque, où frémissait une grande émotion :

— Et en échange, que proposez-vous ?

— En échange de quoi ?

— Pas de phrases, je vous en prie. Vous savez fort bien à quoi vous en tenir.

Raoul savait en effet fort bien ce que signifiait cet échange, et en quoi consistait le marché et lorsque M. Rousselain eut répété sa question, il riposta carrément :

— Ce que je propose ? Le nom de la personne ou des personnes qui ont scié les deux poteaux qui soutenaient les marches, provoquant ainsi le meurtre d’Élisabeth Gaverel, et le nom de celui qui a frappé, c’est-à-dire tué Simon Lorient.

— Voici une plume et du papier. Écrivez ces noms.

— Dans trois jours.

— Pourquoi ce délai ?

— Parce qu’il se passera alors un événement qui me permettra d’être fixé dans un sens ou dans l’autre.

— Vous hésitez donc entre deux coupables ?

— Oui.

— Lesquels ? Je ne vous donne pas le droit de vous taire. Lesquels ?

— Le coupable est, ou bien Félicien Charles… ou bien…

— Ou bien ?

— Ou bien le couple Jérôme et Rolande.

— Oh ! soupira M. Rousselain, haletant. Que dites-vous-là ? Et de quel événement parlez-vous ?

— Du mariage qui doit avoir lieu samedi matin.

  1. Victor, de la brigade mondaine.