Page:Leblanc - La Cagliostro se venge, paru dans Le Journal, 1934.djvu/108

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— Mais ce mariage n’a aucun rapport…

— Si. J’estime que ce mariage est impossible, si c’est Félicien le coupable.

— Pourquoi ?

— Parce qu’il aime Rolande comme un fou. Il n’acceptera jamais qu’une femme pour qui il aurait été deux fois criminel, et qu’il a déjà enlevée, appartienne à un autre… un autre même qu’il aurait déjà frappé… Rappelez-vous la nuit du drame… Et puis, il n’y a pas que l’amour.

— Quoi encore ?

— L’argent. Rolande doit hériter, dans un avenir prochain, d’une grosse fortune que lui laisse un cousin — en réalité son père, Et il le sait.

— Et s’il accepte ce mariage ?

— En ce cas, c’est que je me trompe sur lui. Et les coupables sont ceux qui bénéficient des meurtres accomplis. C’est Rolande et c’est Jérôme.

— Et Faustine ? Quel est son rôle ?

— Je l’ignore, confessa Raoul, mais je sais que Faustine ne vit que pour venger son amant, Simon Lorient. Or, si elle tourne autour du trio Félicien, Rolande, Jérôme, c’est que son instinct de femme l’a poussée vers eux, Félicien, Rolande, Jérôme… Ne cherchons pas plus loin. Oh ! je ne vous dis pas que tout cela soit encore clair ! Non, il y a des choses inexplicables, et qui ne s’expliqueront qu’au fur et à mesure des événements. Mais, en tout cas, il n’y a que moi qui puisse achever de débrouiller la situation. Si la justice s’en mêle, tout est perdu.

— Pourquoi ? La piste que vous nous indiquez…

— Cette piste ne peut vous conduire à aucune certitude. La vérité est là, dans mon cerveau, où sont réunis tous les éléments du problème. Sans moi, vous continuerez de bafouiller, comme vous le faites depuis deux mois.

M. Rousselain hésitait. Raoul s’approcha de lui, et d’un ton amical.

— Ne réfléchissez pas trop, monsieur le juge d’instruction ; il y a certaines décisions dont on doit connaître, avant de les prendre, toutes les conséquences.

M. Rousselain se rebiffa :

— Un juge d’instruction est maître absolu de ses décisions, monsieur.

— Oui, mais il arrive qu’avant de les prendre, il doit avertir qu’il va les prendre.

— Avertir qui ?

Raoul ne répondit pas. M. Rousselain était fort agité. Il avait repris sa petite promenade sautillante. Évidemment, il n’osait pas trop s’engager seul sur la route que sa conscience lui désignait.

À la fin, cependant, l’allure coléreuse, en frappant du pied, il alla vers la porte et l’ouvrit. Raoul put voir le commissaire Mauléon qui devisait avec une demi-douzaine de camarades.

M. Rousselain fut rassuré. La surveillance était bien faite… Il sortit.

Raoul d’Averny resta seul.

Un moment Raoul entre-bâilla la porte. Mauléon s’avança vivement. Raoul lui fit, de la main, un petit signe affable et referma la porte au nez du commissaire.

Dix minutes s’écoulèrent. Pas davantage. L’avis des supérieurs, ou plutôt du supérieur, très haut placé, que M. Rousselain venait de consulter, avait dû être péremptoire, car il rentra dans son cabinet avec une mine renfrognée qui ne lui était pas habituelle. Et il commença :

— Conclusion…

— Conclusion : rien à faire jusqu’à samedi, dit Raoul en riant.

— Cependant, Félicien Charles est plus que suspect.