Page:Leblanc - La Cagliostro se venge, paru dans Le Journal, 1934.djvu/124

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sûre maintenant de venger Élisabeth. Et j’avais si peur qu’on ne devinât mon secret ! Je le serrais en moi comme un trésor. J’ai même refusé d’abord de recevoir Félicien, quand il est sorti de prison, et je lui ai laissé croire que je le trahissais et que je trahissais Élisabeth. Ce n’est qu’après, lorsque j’ai su qu’il avait voulu se suicider, que, affolée, j’ai été le voir une nuit, et que je lui ai tout dit. Puis, Faustine s’étant confiée à moi, et m’ayant révélé sa haine et ses projets de vengeance, je lui ai fait part de mes soupçons contre l’homme qui avait tué son amant. Soupçons ? je devrais dire certitudes. Et c’est bien ainsi que Faustine jugea la situation. Mais quelle preuve tangible que nous étions déroutés ! Tu vivais dans la maison même de ta victime, tu te promenais dans le jardin, devant ces marches que tu avais démolies, et tu me faisais la cour, à moi, sa sœur, me disant les mêmes mots qu’à elle, quelques semaines auparavant. Ah ! cabotin, comment as-tu pu ?…

Une fois de plus, sur le point d’éclater, Rolande se domina, et elle poursuivit :

— Mais si tu jouais serré, par contre, tu ne pressentais rien de notre accord. Nous prenions tant de précautions ! Comme tu étais jaloux de Félicien, dont tu avais cru deviner dès les premiers jours l’empressement auprès de moi, Félicien et Faustine ne se quittent plus, tes inquiétudes s’endorment, et tu continues ta mauvaise besogne à l’encontre de Félicien, envoyant des lettres anonymes, — car c’est toi qui les composes et qui les envoies. Et c’est toi qui jettes près de l’endroit où tu as frappé Simon Lorient, c’est toi qui jettes, dans un jardin, un mouchoir taché de sang, un mouchoir du même genre que ceux de Félicien. Mais tout cela, est-ce la preuve formelle dont j’ai besoin ? Enfin, l’événement se produit. Enfin, le hasard joue en ma faveur. Un jour Georges Dugrival vient me voir, et, ce jour-là, ma chance veut que tu ne sois pas aux Clématites.

Jérôme tressaillit, et n’essaya pas de cacher son trouble. De l’angoisse crispa son visage.

— Oui, affirma-t-elle, il est venu me voir. J’ai refusé cette entrevue d’abord, sachant qu’il y avait eu, jadis, querelle entre mon père et lui. Mais il insista, pour des motifs graves. Je l’ai reçu dans cette pièce, il me parla de la grande affection, si amicale et si respectueuse qu’il a eue pour ma mère. Et soudain, voilà qu’il me révèle la véritable cause de sa visite :

« Rolande ; me dit-il, ces temps-ci, comme j’étais plus malade, l’armoire à glace de ma chambre a été forcée. Un testament, où je vous lègue une partie de ma fortune, a été ouvert, et on m’a volé, dans un écrin de cuir contenant de beaux bijoux de famille, pierres précieuses, bagues et boucles d’oreilles, on m’a volé une bague qui formait paire avec une autre. Quelques jours plus tard, je recevais, du Vésinet, où j’ai gardé des amis qui me tiennent au courant, une lettre m’annonçant votre mariage et me donnant, sur votre fiancé, Jérôme Helmas, de très mauvais renseignements. Alors, Rolande, il m’a semblé que je devais vous avertir… »

Ai-je besoin de t’en dire davantage sur notre conversation, Jérôme ? Je le suppliai de déchirer le testament, car je n’avais aucune raison d’être son héritière, mais j’acceptai l’offre qu’il me fit des bijoux. Il fut