Page:Leblanc - La Demeure mystérieuse, paru dans Le Journal, 1928.djvu/20

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Arlette cherchait de toutes ses forces. Elle s’ingéniait à extraire de sa mémoire les menus souvenirs endormis qu’on exigeait d’elle, et Jean d’Enneris précisait :

— As-tu jamais senti une présence quelconque rôder autour de toi dans l’ombre ? As-tu éprouvé un petit frisson d’inquiétude, comme au contact d’une chose mystérieuse ? Je ne te parle pas d’un danger réel, mais de ces menaces vagues où l’on se dit : « Tiens… qu’est-ce qu’il y a ?… Que se passe-t-il ?… Que va-t-il se passer ? »

Le visage d’Arlette se contracta légèrement. Ses yeux semblèrent se fixer sur un point. Jean s’écria :

— Ça y est ! Nous y sommes. Ah ! dommage que Béchoux et Van Houben ne soient pas là… Explique-toi, ma jolie Arlette.

Elle dit, pensivement :

— Il y avait un jour un monsieur…

Jean d’Enneris l’arracha du canapé, enthousiasmé par ce préambule, et se mit à danser avec elle.

— Nous y voilà ! Et ça commence comme un conte de fées ! Il y avait un jour… Dieu ! que tu es charmante, Arlette aux joues douces ! Et qu’est-il advenu de ton monsieur ?

Elle se rassit et continua, la voix lente :

— Ce monsieur était venu, voilà trois mois, avec sa sœur, un après-midi qu’il y avait beaucoup de monde pour voir des présentations de robes, au profit d’une œuvre. Moi, je ne l’avais pas remarqué. Mais une camarade me dit : « Tu sais, Arlette, tu as fait une conquête, un type épatant, très chic, qui te dévorait des yeux, un type qui s’occupe d’œuvres sociales, à ce que prétend la directrice. Ça tombe bien, Arlette, toi qui es en quête d’argent. »

— En quête d’argent, toi ? interrompit d’Enneris.

— Ce sont mes camarades, dit-elle, qui me taquinent parce que je voudrais fonder une caisse de secours pour l’atelier, une caisse de dots, enfin un tas de rêves. Alors, une heure plus tard, quand je me suis aperçue qu’un grand monsieur m’attendait à la sortie et qu’il me suivait, j’ai pensé que je pourrais peut-être l’embobiner. Seulement, à ma station de métro, il s’est arrêté. Le len-