Page:Leblanc - La Demeure mystérieuse, paru dans Le Journal, 1928.djvu/36

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pliquer l’incident de l’Opéra et le vol des diamants. Non, c’était l’atavisme. Les Mélamare avaient l’instinct du vol. Le frère et la sœur tenaient cela de leurs aïeux. Ils avaient volé, sans doute pour faire face à un train de vie supérieur à leurs ressources, ou peut-être par suite d’une tentation trop forte, mais surtout par nécessité atavique.

Et, comme son grand-père Alphonse de Mélamare, le comte Adrien avait voulu se tuer. Atavisme encore.

Quant aux diamants, quant au rapt des deux jeunes femmes, quant à l’emploi de son temps aux heures des deux épisodes, quant à la tunique trouvée dans sa bibliothèque, quant à tout ce qui constituait le côté mystérieux de l’aventure, il affirmait ne rien savoir. Cela ne le concernait pas. Cela semblait, pour lui, s’être produit sur une autre planète.

Il ne voulut se disculper qu’à propos d’Arlette Mazolle. Il avait eu, dit-il, de ses relations avec une femme mariée, une fille qu’il aimait beaucoup, et qui était morte quelques années auparavant. Ce dont il avait ressenti un profond chagrin. Or, Arlette ressemblait à cette fille, et il avait suivi Arlette deux ou trois fois, involontairement, en souvenir de l’enfant qu’il avait perdue. Il nia d’ailleurs, avec énergie, qu’il eût tenté de l’aborder dans une rue déserte, selon l’accusation d’Arlette Mazolle.

Quinze jours s’écoulèrent ainsi, durant lesquels le brigadier Béchoux, rageur et opiniâtre, déploya la plus grande et la plus inutile activité. Van Houben, qui s’attachait à ses pas, se lamentait.

— Fichus ! je vous dis qu’ils sont fichus.

Béchoux montrait ses poings fermés.

— Vos diamants ? C’est comme si je les tenais dans mes mains. J’ai pris les Mélamare, je prendrai vos diamants.

— Vous êtes sûr de n’avoir pas besoin de d’Enneris ?

— Jamais de la vie ! J’aime mieux tout rater que de m’adresser à lui.

Van Houben se rebiffait.

— Vous en avez de bonnes, vous ! Mes diamants passent avant votre amour-propre.

Van Houben, d’ailleurs, ne manquait pas de stimuler Jean d’Enneris qu’il rencontrait journellement. Il ne pouvait pénétrer dans le logement isolé où se cachait Gilberte de Mélamare sans le voir assis aux pieds de la comtesse, lui prodiguant les consolations, lui donnant de l’espoir, lui promettant de sauver son frère de la mort et du déshonneur, et, du reste, n’obtenant d’elle aucun renseignements, aucune parole qui pût le guider.

Et si Van Houben, se retournant vers Régine Aubry, voulait l’emmener au restaurant, il était sûr de trouver d’Enneris en train de faire sa cour.

— Laissez-nous tranquilles, Van Houben, disait la belle actrice, je ne peux plus vous voir en peinture, depuis toutes ces histoires.

Van Houben ne dérageait pas, et prenant d’Enneris à part :