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— Pas la peine, dit Laurence, d’un ton qui signifiait : « Je n’ai besoin de personne… je suis assez forte pour cela ».

On entendit les marches craquer sous les pas. Chacune d’elles rapprochait Arlette du danger, de la mort.

D’Enneris pourtant n’éprouvait pas encore de craintes trop vives. Le fait qu’on ne l’avait pas tué, lui, du premier coup, indiquait que l’exécution du plan criminel exigeait certains délais, et tout répit laisse un peu d’espoir.

Il y eut des piétinements au-dessus du plafond, puis, soudain, un cri déchirant… que suivirent d’autres cris, de plus en plus faibles. Puis le silence. La lutte n’avait pas été longue. D’Enneris pensa qu’Arlette était, comme lui, ligotée et bâillonnée. « Pauvre gosse ! » se dit-il.

Après un moment, les marches craquèrent de nouveau et Laurence Martin entra.

— C’est fait, annonça-t-elle. Et facilement. Elle a tourné de l’œil presque aussitôt.

— Tant mieux, dit la revendeuse. Tant mieux si elle ne se réveille pas tout de suite. Elle ne s’apercevra de la chose qu’au dernier moment.

D’Enneris frissonna. Aucune phrase ne pouvait annoncer d’une façon plus formelle le dénouement voulu par les complices et les souffrances probables. Et son pressentiment était si juste qu’il en eut la confirmation immédiate par un accès de révolte qui secoua subitement la marchande à la toilette.

— Car, enfin, quoi ? rien n’oblige à ce qu’elle souffre, cette petite ! Pourquoi ne pas en finir avec elle ? N’est-ce pas ton avis, papa ?

Tranquillement, Laurence présenta un bout de corde.

— Facile. Tu n’as qu’à lui passer ça autour du cou… à moins que tu n’aimes mieux une incision à la gorge, proposa-t-elle, en lui offrant un menu poignard. Moi, je ne m’en charge pas. Ce ne sont pas des choses qu’on fait de sang-froid.

La mère Trianon ne broncha plus, et, jusqu’à la minute même de leur départ, ils ne prononcèrent pas un seul mot. Mais, sans tarder, et puisque, là-haut, Arlette était réduite à l’impuissance, « papa », comme elles disaient l’une et l’autre, continuait sa besogne, manœuvrant de telle manière que l’effroyable menace pre-