Page:Leblanc - La Femme aux deux sourires, paru dans Le Journal, 1932.djvu/122

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XXI

Raoul agit et parle…

— Maître Audigat, conclut Antonine, tout ce que vous me dites là est très gentil, mais…

— Ne m’appelez pas maître Audigat, mademoiselle.

— Vous ne me demandez pourtant pas de vous appeler par votre petit nom ? dit-elle en riant.

— J’en serais heureux, fit-il avec onction, cela prouverait que vous exaucez mes vœux.

— Je ne peux les exaucer si vite, ni les repousser, cher monsieur. Voilà quatre jours que je suis revenue, et nous nous connaissons à peine.

— Quand estimez-vous, mademoiselle, que vous me connaîtrez assez pour me donner une réponse ?

— Quatre ans ? Trois ans ? Est-ce trop ?

Il eut un geste navré. Il comprenait que jamais il n’obtiendrait la moindre promesse de cette belle demoiselle qui eût si bien atténué, pour lui, les rigueurs de l’existence de Volnic.

L’entretien était fini. Me Audigat prit congé de la jeune fille, et, l’air digne et vexé, quitta le château.

Antonine resta seule. Elle fit le tour des ruines et se promena dans le parc et dans les bois. Elle marchait allègrement et son sourire habituel relevait les coins de sa bouche. Elle était vêtue d’une robe neuve, et parée de sa grande capeline de paille. De temps à autre, elle chantonnait. Puis elle cueillit des fleurs sauvages qu’elle rapporta au marquis d’Erlemont.

Il l’attendait sur le banc de pierre où ils aimaient s’asseoir, au bout de la terrasse, et il lui dit :

— Comme tu es jolie ! plus de traces de tes fatigues et de tes émotions, hein ? Et cependant rien ne t’a été épargné.