Page:Leblanc - La Femme aux deux sourires, paru dans Le Journal, 1932.djvu/123

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Ne causons plus de cela, parrain. C’est une vieille histoire dont je ne me souviens plus.

— Alors, tu es tout à fait heureuse ?

— Tout à fait heureuse, parrain, puisque je suis avec vous… et dans ce château que j’aime.

— Un château qui ne nous appartient pas, et que nous quitterons demain.

— Qui vous appartient, et que nous ne quitterons pas.

Il se moqua.

— Ainsi tu comptes toujours sur cet individu ?

— Plus que jamais.

— Eh bien, pas moi.

— Vous y comptez tellement, parrain, que voilà quatre fois que vous me dites n’y pas compter.

D’Erlemont se croisa les bras.

— Alors, tu t’imagines comme ça qu’il viendra à un rendez-vous fixé vaguement il y a bientôt un mois, et après que tant d’événements se sont produits ?

— C’est aujourd’hui le 3 juillet. Il a confirmé ce rendez-vous dans le billet qu’il m’a fait passer à la Préfecture.

— Simple promesse.

— Toutes ses promesses, il les tient.

— Donc, à quatre heures ?

— À quatre heures il sera là, c’est-à-dire dans vingt minutes.

D’Erlemont hocha la tête, et avoua gaiement :

— Au fond, veux-tu que je te dise ? Eh bien, moi aussi je l’espère. Quelle drôle de chose, la confiance ! Et la confiance en qui ? En une sorte d’aventurier qui s’occupe de mes affaires sans que je lui aie jamais rien demandé, et qui s’en occupe de la manière la plus insolite, en ameutant contre lui toute la police. Enfin, quoi, tu as lu les journaux ces jours-ci… Que disent-ils ? C’est que mon locataire, M. Raoul, l’amant de cette mystérieuse Clara qui te ressemble, paraît-il, n’est autre qu’Arsène Lupin. La police le nie. Mais la police qui longtemps a vu partout Lupin ne veut plus, par crainte du ridicule, le voir nulle part. Et voilà notre collaborateur !…

Elle réfléchit et dit, plus gravement :

— Nous avons confiance dans l’homme qui est venu ici, parrain. On ne peut pas ne pas avoir confiance en celui-là.

— Évidemment… évidemment… c’est un rude type, je l’avoue… et j’avoue qu’il m’a laissé un tel souvenir que…

— Un tel souvenir que vous espérez bien le revoir et connaître par lui la vérité qui vous échappe… Qu’importe qu’il s’appelle Raoul ou Arsène Lupin s’il comble tous nos vœux !

Elle s’était animée. Il la regarda