Page:Leblanc - La Femme aux deux sourires, paru dans Le Journal, 1932.djvu/68

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Au fond, cette évasion le tourmentait et l’irritait profondément. Il fallait tout recommencer. Le dangereux bandit de nouveau libre, c’était Antonine de nouveau poursuivie, et menacée par un ennemi implacable qui, certes, ne lui ferait pas grâce et l’abattrait à la première occasion.

Il parcourut l’article. On y mentionnait la capture de l’Arabe et de quelques sous-ordres autour desquels la police menait grand tapage. On y racontait aussi la tentative de meurtre contre la danseuse masquée et son enlèvement par un spectateur que l’on soupçonnait d’être un rival, mais sur qui l’on ne pouvait donner aucun détail précis qui permît de reconnaître Raoul.

Quant à la danseuse masquée, personne ne l’avait vue à visage découvert. Le directeur du casino l’avait engagée sur la foi d’une agence de Berlin où, « non masquée », elle dansait l’hiver précédent, avec beaucoup de succès.

« Il y a deux semaines, ajoutait le directeur dans une interview, elle m’a téléphoné de je ne sais où, me disant qu’elle serait exacte au jour fixé, mais que, pour des raisons personnelles, elle paraîtrait voilée. J’ai accepté, trouvant qu’il y aurait là un supplément d’attrait, et me réservant de l’interroger le soir même. Mais elle n’est arrivée qu’à huit heures, toute vêtue, paraît-il, et s’est enfermée dans sa loge. »

Raoul demanda :

— Tout cela est vrai ?

— Oui, dit Clara.

— Depuis combien de temps danses-tu ?

— J’ai toujours dansé, pour mon plaisir et sans me faire voir de personne. Après la mort de ma mère, j’ai pris des leçons d’une ancienne danseuse et j’ai voyagé.

— Quelle vie menais-tu, Clara ?

— Ne m’interroge pas. J’étais seule, courtisée… Je n’ai pas toujours su me défendre.

— Où as-tu connu le grand Paul ?