Page:Leblanc - La Femme aux deux sourires, paru dans Le Journal, 1932.djvu/81

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qui, tout de suite, la serrèrent à la gorge et lui enlevèrent toute force.

Elle fléchit sur ses genoux. Elle fut renversée contre le divan. Sa taille ployait. Elle sentait qu’elle allait perdre connaissance…

Mais l’effroyable étreinte se relâcha un peu. Le timbre du vestibule avait sonné, et le tintement se prolongeait dans la pièce en écho léger. Le grand Paul, ayant tourné la tête de ce côté, tendait l’oreille. Aucun autre bruit nouveau. Le verrou était mis. Qu’y avait-il à craindre ?

Il allait de nouveau serrer sa proie, quand il poussa un gémissement effaré. Son regard avait été attiré par un jaillissement de lumière qui bougeait entre les deux fenêtres, et il demeura stupéfait, ahuri, incapable de comprendre la sorte de phénomène miraculeux qui se produisait en dehors de toute réalité et de toute explication plausible.

— Lui !…, lui !…, murmura-t-il, confondu.

Était-ce une hallucination ? un cauchemar ? Il voyait distinctement dans la clarté d’un écran lumineux qui eût été un écran de cinéma, il voyait la figure épanouie de Raoul. Non pas une figure de portrait, mais une figure vivante, avec des yeux qui remuaient et le sourire agréable et joyeux d’un monsieur qui se présente et qui a l’air de dire :

— Eh bien, oui, c’est moi. Vous ne m’attendiez pas, hein ? et vous êtes content de me voir ? Je suis peut-être un peu en retard. Mais on va se rattraper. Me voici.

De fait, il y eut un bruit de clef qu’on introduit dans une serrure, un autre bruit de clef dans le verrou de sûreté, un bruit de porte qu’on pousse… Valthex s’était relevé et regardait, épouvanté. Clara écoutait, le visage détendu.

La porte fut ouverte, non pas sous la poussée violente d’un intrus ou d’un agresseur, mais sous le geste paisible de quelqu’un qui rentre chez soi, et qui est heureux d’y rentrer parce qu’il va trouver tout en ordre, les objets à leur place, et de bons amis en train de parler affectueusement de lui.

Sans gêne ni précaution, il passa près de Valthex et ferma l’écran lumineux, et il dit à son adversaire :

— Ne prends pas cet air de candidat à la guillotine. C’est peut-être le sort qui t’est réservé, mais, pour l’instant, tu es à l’abri de tout danger.

Puis, s’adressant à Clara :

— Voilà ce que c’est, petite fille, que de désobéir à Raoul. Le monsieur t’a écrit une lettre, sans doute ? Fais voir.

Elle lui tendit un chiffon de papier, sur lequel il jeta un coup d’œil.

— C’est de ma faute, fit-il, j’aurais dû prévoir ce piège-là. Il est classique, et jamais une amoureuse ne