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Page:Leblanc - La Femme aux deux sourires, paru dans Le Journal, 1932.djvu/80

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Valthex fit un pas en avant.

Clara tremblait des pieds à la tête. Elle baissa les yeux sur ses mains, pour les obliger à se tenir immobiles, mais ses mains continuaient à trembler comme des feuilles, et ses jambes également, et tout son corps, qu’elle sentait à la fois fiévreux et glacé.

— Tu as peur, hein ? dit-il.

Elle balbutia :

— Je n’ai pas peur de mourir.

— Non, mais tu as peur de ce qui va se passer.

Elle hocha la tête.

— Il ne se passera rien.

— Si, fit-il, quelque chose d’extrêmement important, et qui est la seule chose à laquelle je tienne. Tu te rappelles ce qui s’est déjà passé entre nous, la première fois… et toutes les fois depuis, pendant tout le temps où nous avons vécu ensemble. Tu ne m’aimais pas… j’irai jusqu’à dire que tu me détestais. Mais tu étais la plus faible… Et, de guerre lasse, exténuée… alors… Tu te souviens ?

Il s’approcha. Elle recula sur le divan, les bras raidis pour le repousser. Il plaisanta :

— Tu te prépares… comme autrefois… Tant mieux… Je ne te demande pas d’accepter… Au contraire… Quand je t’embrasse, j’aime bien mieux que ce soit de force… Il y a longtemps que j’ai abandonné tout amour-propre… pourvu que… pourvu que…

Son visage devenait odieux, atroce de haine et de convoitise. Ses doigts se crispaient, pour saisir, pour étreindre ce cou frêle, qui se convulsait aussitôt, dans un râle d’agonie…

Clara s’était dressée, debout sur le divan, d’où elle sauta pour s’abriter derrière le fauteuil. Il y avait un revolver qui traînait dans le tiroir entre-bâillé d’une table. Elle essaya de s’en emparer, n’en eut pas le temps, se sauva dans la pièce, courut, manqua de tomber, et finalement fut empoignée par les terribles doigts