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Page:Leblanc - La Machine à courage, 1947.pdf/148

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CHAPITRE IV

LUTTE AVEC LA MORT



C’est dans cette dernière aventure, la lutte avec la mort ou avec les dieux que j’ai trouvé ce que j’allais chercher dans ma lutte avec les hommes, sur l’autre continent : un nouveau sens de la vie.

Il était cinq heures du soir, le 8 janvier 1934, quand on m’a emportée dans des couvertures. L’escalier de l’hôtel est vieux, il y a une lourde rampe, des coudes brusques, des angles aigus. Je me sentais très verticale. Je n’avais pas peur, j’entrais dans cet état de maladie qui est un état de fatalisme confiant. Plus responsable de rien, on a la foi… foi en quoi, pourquoi ? D’abord parce qu’on vit et que l’on ne connaît pas autre chose, aussi parce que l’on existe sur une ligne simple qui n’est déjà plus vivre. La ligne tremble. On la distingue mieux.

Dans l’auto de la famille, la tempête claquait contre les vitres. Mes amies suivaient dans une autre voiture.

Qu’est-ce que je sentais ? Presque rien. Je me répétais que c’était une grande maladie, que l’on me conduisait dans une clinique, que peut-être… mais j’avais toujours la même foi et cet abandon, comme si, ne me dirigeant plus, d’autres directions meilleures allaient intervenir.

Quand on ouvrit la portière, je remarquai que la pluie tombait devant les phares comme au cinéma. Des raies blan-