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Page:Leblanc - La Machine à courage, 1947.pdf/173

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CHAPITRE PREMIER


J’avais pensé : « Si je dois guérir je me jure d’aller plus loin “qu’avant” ».

Maintenant je venais d’écrire que j’étais « rendue à l’habitude »… et je l’acceptais ! Un cri montait de moi et restait pétrifié dans ma gorge. Je savais qu’un cycle de nouvelles catastrophes commençait, et je me sentais toute tournée une suprême fois du côté de l’avenir. Il me fallait savoir mieux ce que je savais déjà, ce que le passé m’avait appris en me montrant que l’essentiel était ailleurs.

Cette cire douce et odorante dans laquelle j’avais sculpté une vie, — vie d’art, d’amour, de foi — était-ce là tout ce que l’on devait attendre du miracle d’une vie terrestre ? N’étais-je pas capable de traverser le pont entre le moment présent et celui qui serait enfin le futur ? N’étais-je pas capable de discerner ce futur qui est en nous et attend notre regard ? N’étais-je pas capable de regarder là, où est l’heure sans chiffre — celle de jamais ou de toujours ?

J’ai commencé de répondre aux questions que me posait une lettre. J’étais déterminée à mettre en mots l’extrémité de ma pensée pour préparer — non, pour précéder — cette transformation sans laquelle je me voyais mourir avant ma mort. J’ai commencé tout simplement par une révision de ma vie qui me semblait belle autrefois. Mon Dieu, était-il possible que tout cela ait été vain, que rien n’ait servi à rien,