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Page:Leblanc - La Machine à courage, 1947.pdf/205

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PASSION

dans ses fruits, que l’on distingue la grandeur de la passion. Dans la vie, elle dépasse l’être humain qui la porte. Presque toujours, il en fait une croix trop immense pour lui, il en meurt ou il en fait de la mort. Mais il faut regarder objectivement ce qui est au delà de l’homme pour ne pas rapetisser les matériaux que la nature nous offre. En vérité, l’être humain est trop faible devant sa passion, ce cadeau de flammes dont il devrait surgir purifié et dont il sort généralement amoindri. Dans ma vie j’ai vu peu de choses aussi étonnantes que Karamazoff au cinéma. C’était l’histoire d’un cyclone, l’humain était balayé, emporté ; il restait sur l’écran du malheur et une indicible innocence.


8

L’entente.


L’entente, je l’ai cherchée toute ma vie. Je savais que je ne pourrais jamais vivre complètement si je ne la trouvais pas.

Alors, comme tout le monde, j’ai pensé l’avoir trouvée. Comme tout le monde j’ai vu que je me trompais. Comme tout le monde j’ai révisé mon idée de l’entente, et — pas comme tout le monde, peut-être — j’ai compris pourquoi on ne la trouve pas facilement. J’avais voulu tout de suite ce que je concevais de plus rare. J’avais voulu m’assortir quand, moi, je n’existais pas encore.

D’abord, j’ai confondu l’entente avec l’amour. À vingt ans j’imaginais que rien ne pouvait unir deux êtres plus étroitement que de partager les mêmes idées, poètes, peintres, pays.

Plus tard, j’ai discerné que, pour l’entente, il n’est pas nécessaire d’être d’accord. Ni d’être amoureuse. L’entente amoureuse n’est qu’une entente de chimies. L’expérience d’amour ne laisse après elle que joie ou peine. L’entente est une sorte d’amour qui ne peut pas finir parce qu’elle veut l’existence