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Page:Leblanc - La Machine à courage, 1947.pdf/214

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LA MACHINE À COURAGE

à un travail inconnu — impossible. Plus on l’entrevoit, plus on pense « Je ne pourrai pas ». Mais sont-ce bien nos forces qui sont sollicitées ? Non, nous ne nous en étions jamais servis, nous les ignorions. Ce sont des énergies réveillées par une nécessité nouvelle vers un but nouveau.


2

Le Château du Prieuré, Fontainebleau


C’est en juin 1924 que je m’installai à Fontainebleau-Avon pour la première fois afin de mieux connaître Gurdjieff. J’eus l’impression d’un géant qui avait choisi la plus petite porte sur le monde et se courbait en deux pour passer. Il était sur la terre comme dans un manteau trop étroit qu’il faisait éclater de tous côtés. Où était-il lui-même ? Beaucoup dans ses écrits, beaucoup dans sa parole, pas du tout dans la vie sociale — vaste blague qu’il malmenait, bourru, avec impatience.

Je ne m’étonnai pas qu’il soit peu connu et reconnu. Ni l’argent, ni « les relations » ne pouvaient ouvrir les portes de la forteresse construite autour de lui. J’ai vu au Prieuré des sourires sucrés et des mains tendues restant en panne. J’ai vu Gurdjieff se retourner, grommelant entre ses dents — « Argent sale ». Il créait tous les obstacles pour décourager immédiatement les badauds de l’esprit.

Je n’ai jamais pu m’arranger des méthodes aimables, accueillantes aux nombreux suffrages. Je n’y crois pas. Je m’en détournais toujours. Au contraire le climat de Gurdjieff me retenait — climat difficile, presque désespérant. Pour y demeurer il faut avoir une nécessité invincible « d’autre chose ».

Pendant les premières semaines au Prieuré, chaque jour, même chaque heure, affirmait mon adhésion. En écoutant la lecture de son manuscrit — énorme volume en neuf parties — j’étais satisfaite pour la première fois par une révision