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Page:Leblanc - La Machine à courage, 1947.pdf/217

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VERS LE BUT


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L’Autre Vie.


Beaucoup de gens ont sûrement entrevu quelque science analogue à celle dont je parle, mais il n’y a rien là qui puisse apporter un avantage à la vie du monde. L’intelligence même y prend place au second plan. Pourquoi l’homme satisfait entrerait-il dans cette affaire ?

Pendant deux années j’ai vécu sans cesse au Prieuré. À Paris, ensuite, j’ai rencontré Gurdjieff plus rarement, mais j’ai continué à vivre selon ses principes et de plus en plus profondément j’ai incorporé sa doctrine. « Pourquoi désirez-vous la connaissance » ? me disait-on. Étrange question. On ne demande pas à un être « Pourquoi voulez-vous le bonheur » ? Connaissance pour moi est synonyme de bonheur, d’un bonheur certain.

Beaucoup d’amis m’ont submergée de questions et conseils. « Ne regardez jamais en vous-même, c’est fatal ! » ou « — Quoi faire de sa vie quand on a perdu toutes ses illusions ? » J’ai répondu : « C’est comme si un paysan déclarait : “On a arraché toutes les mauvaises herbes dans mon champ, que puis-je faire de ma terre à présent ?” »

Autrefois je pensais : « Il faut que notre nature soit labourée comme une terre. » Mais où est la charrue ? Et qui la dirigera ? Seuls, nous ne pouvons rien. Le laboureur est aussi indispensable que la semence.

Par la méthode Gurdjieff tout m’était indiqué, la charrue et le laboureur étaient prêts. À moi d’être prête. Désir, nécessité, préparation, réalisation — ici commence l’autre vie : ses efforts spéciaux, ses nouvelles lois, son évolution essentielle qui tend à changer même les chimies de l’organisme. C’est dur. J’ai vu des êtres s’arrêter à mi-chemin, renoncer ou bifurquer, devenir ennemis et s’enrôler dans quelque système prometteur qui place un paradis certain au bout de leur vie. Parfois ils retournaient à quelque religion, se déclarant tout à coup touchés par la grâce — grâce qui répondait généralement