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Page:Leblanc - La Machine à courage, 1947.pdf/223

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VERS LE BUT

se produit en moi. Et puis l’hiver arrive. Mon corps suit le bouleversement de la terre sous les couleurs pâles du froid. Les branches d’arbres vers le ciel ont des gestes mécaniques. L’organisme a ses mauvaises habitudes. Parce qu’il a souffert trop longtemps, il veut souffrir encore. Il est plus nerveux, plus sensible. Et je me sens glisser. J’ai des instants de découragement. Je tâche de ne pas l’admettre, mais c’est là quand même.


31 Octobre 36. Chez lui. J’ai expliqué mon état, ma détresse. Il savait… processus habituel.

Dès le début il m’avait dit :

« — Je puis empêcher les souffrances et par là préparer le terrain pour autre chose. »

Je sais qu’il s’agit d’un travail spécial pour que la vie psychique corresponde à la guérison physique. Mais, est-ce que j’ai la force de l’entreprendre ?

Il est entré dans son studio et je me suis mise à la lecture. Un instant plus tard, j’ai eu l’impression d’être habillée de vibrations. Je suis restée lisant, reposant, de deux heures à six heures. Le lendemain j’étais renouvelée.


Lundi 2 Novembre. Grande émotion. Quand je suis arrivée à son appartement, c’est lui-même qui m’a ouvert la porte. J’ai dit tout de suite : « Je suis dans un nouveau corps. » La lumière qui venait du petit salon l’éclairait complètement. Au lieu de se dérober, il se rejeta en arrière s’appuyant contre le mur. Alors, pour la première fois, il m’a laissé voir ce qu’il est véritablement… comme s’il avait arraché soudain les masques sous lesquels il a la devoir de se cacher. Son visage était empreint d’une charité qui embrassait le monde entier. Figée, debout en face de lui, je le voyais de toutes mes forces et j’éprouvais une gratitude si profonde, si douloureuse, qu’il a senti la nécessité de m’apaiser. Avec un regard inoubliable il a prononcé : « God helps me (Dieu m’aide). »