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Page:Leblanc - La Machine à courage, 1947.pdf/222

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LA MACHINE À COURAGE

féerie de vivre une chose qui n’est pas héréditaire. Je ne pouvais pas la concevoir mais, l’ayant toujours subconsciemment cherchée, j’étais prête. Sans cela aucun résultat ne se serait produit.


Août 1936. Si j’arrive un peu à distinguer ce maître dans son ensemble, c’est que je le cherche et l’étudie depuis treize ans. L’humilité de Jésus était d’accord avec ses pieds nus, le désert, l’époque… Celle de Gurdjieff paraît une grimace, ou une blague. En vérité il me semble presque un messie — c’est-à-dire un messie sans spectateurs, sans cadre. Il « est », mais la cécité du monde civilisé en fait un annonciateur négatif. Il a pourtant quelques disciples. C’est assez pour assurer qu’il sera « vu » dans cent ou deux cents ans. L’humanité ne peut rien sans grossesse, l’humanité prend conscience de son état en grossissant. Il lui faut des siècles pour accoucher d’un messie.


27 Septembre 36. Depuis plusieurs mois on voit clairement l’inconscient des hommes fabriquer ce qu’ils appellent la fatalité : la guerre. Cela tout en déclarant sincèrement qu’ils ne veulent que la paix.

30 Septembre 36. Je vais étudier chaque jour son manuscrit. Je le considère comme l’événement authentique de ma vie.

Le temps de la destruction — la guerre — est proche. Cependant nous arrangeons notre appartement, de plus en plus adorable — à cause des cintres que j’ai fait mettre partout. Nous le perdrons : guerre au dehors ou au dedans… ou les deux.

Je suis angoissée à cause des forces qui me sont « rendues ». Depuis trois ans je m’accoutumais à l’idée de la mort. Maintenant désirs, élans, vouloirs m’assaillent.

28 Octobre 36. « Il » me fait toujours du bien, mais n’étant plus tendue par les souffrances perpétuelles, un relâchement