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Page:Leblanc - La Machine à courage, 1947.pdf/229

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CONCLUSION

13 octobre 37. J’ai rêvé : je marchais des années, à la découverte d’une planète. À travers l’espace je suis arrivée. J’ai cru d’abord que les villes, les habitants, les choses étaient comme les nôtres. J’ai su bientôt que tout était différent. Les gens s’aimaient, ils ne parlaient pas. Les animaux parlaient.

J’eus une longue conversation avec un cheval blanc aussi grand qu’une cathédrale. Il m’expliqua sa vision de deux dimensions et ses épouvantes. Il comprit que je brûlais, alors il disposa sa crinière en pluie autour de mon corps pour me soulager. C’est lui qui m’annonça la célébration d’une fête telle qu’il n’y en a pas chez nous. Trois saisons avaient vaincu la quatrième. J’assistai au triomphal retour des troupes… les régiments des étés de tous les pays s’avançaient bannière en tête, encadrés de printemps mûrs et d’automnes à peine touchés. Ils avaient tué les hivers.

Ils ne portaient pas le bien et le mal à leurs côtés. Leurs chants étaient des cloches, leur rire était celui de la mer dans le soleil. Pour s’amuser en chemin ils avaient discipliné les fléaux, chassé la douleur, chassé la calomnie — infection des entrailles humaines. Mon compagnon disait :

« — Avec l’hiver ils ont tué l’inévitable. La mort ne sera plus qu’un résultat. La conséquence de n’avoir pas compris. »

Soudain un des hommes tomba de très haut sur le sol devant moi. Il s’ouvrit en deux. Il était vide.


18 octobre 37. Demain nous lui demanderons — Margaret et moi — si l’heure est venue de tenter les expériences personnelles.

Quand je commencerai « réellement » les épreuves, rien ne sera changé en apparence. J’aurai toujours mon nom que je n’aime pas, je serai habillée comme je le suis. Aucun signe ne sera fait, aucune promesse. J’irai demain et simplement je dirai « I will do » (Je veux faire). Ce ne sera pas « Je veux », ou « Je ferai » ; ce sera ces trois mots. Mais pour moi, pour moi seule, devant moi-même, ce sera le plus grand événement de ma vie. Quand je dirai cela j’apercevrai devant