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Page:Leblanc - La Machine à courage, 1947.pdf/231

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VERS LE BUT

Autrefois, il y a peut-être quarante ans, j’écrivais à Maeterlinck :

« — Je ne sais si tu te rends compte de moi, je suis comparable à une bulle de savon qui flotte dans l’air et n’est attachée à rien de réel, même au fond de moi je sens que je ne suis pas. Un seul souci existe peut-être en ce vide, c’est mon insatisfaction de me voir ainsi. Comme si, pour changer, je devais accomplir quelque chose que j’ignore. Ça vient de très loin en moi, comme une idée perdue, un commandement auquel je ne peux pas donner de forme, et je cherche, je cherche… »

Aujourd’hui, une vie plus tard, alors que j’ai trouvé enfin ce qu’il fallait faire, je revois ces mots : « Comme si, pour changer, je devais accomplir quelque chose que j’ignore… »

11 heures du soir. En résumé, ce 21 octobre j’ai vécu quelques instants réels.


Fin décembre 37. Je vis trop fort, fatiguée, sommeil en papier.

Si à présent je voyais la mort approcher, je ne l’accepterais pas aussi facilement que je l’acceptais dans les lits de cliniques où j’ai passé des années. C’est que maintenant mon temps est lourd d’une substance vraie que je n’avais jamais soupçonnée.

Je dis à Gurdjieff :

« — J’ai presque peur — la vie monte en moi comme la mer. »

Il répète : « — C’est seulement un très petit commencement. »