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LA MACHINE À COURAGE

de ce que nous désirions avoir le lendemain. À la première heure tout serait là, soigneusement enfermé dans une boîte capitonnée de glace. Véral prit congé. L’ascenseur en nous arrachant au sol nous sembla mû par notre seule allégresse.

Elle ne dura pas. Rien ne fonctionnait. Les objets mal raccommodés se brisaient entre les doigts… et la propreté n’était qu’apparente.

La nuit fut atroce. Nos lits mal ajustés sur leurs pattes n’offraient que des creux et des bosses. Les matelas étaient d’une saleté repoussante. Finalement, installées dans des fauteuils, nous attendîmes le jour en comptant les heures. Cependant, il n’arrivait pas. Le jour ne devait jamais venir…


Lorsque la pendule sonna neuf heures, je courus à la fenêtre. On aurait pu toucher le mur d’en face en étendant la main. Là-haut, comme au bout d’un corridor vertical, j’aperçus un petit morceau de ciel gris, tandis qu’une haleine empestée montait vers moi. En bas, c’était une étroite cour où l’on jetait les détritus d’une cuisine de restaurant. Je refermai les fenêtres et allumai l’électricité. J’avais payé quatre mois de loyer.

J’appelai Véral à notre secours. Son désespoir fut pénible à voir. Il proposa mille extravagances pour me libérer alors que nous n’avions aucun recours. La grosse dame qui nous avait cédé son appartement s’était embarquée le jour même pour une destination inconnue. Elle nous laissait aux prises avec un inventaire aussi fantaisiste qu’interminable. Il fallut réparer les objets indispensables, tenter de refaire les matelas, nettoyer mille choses.

Ma dette augmenta.

Je découvris quelques mois après que l’appartement était celui de la maîtresse d’un des rédacteurs du journal.