Page:Leblanc - La Robe d’écailles roses, 1935.djvu/113

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
109
LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

fils, de Mlle du Bocage, de MM. Beaufrelant, le Hourteulx, Simare père et fils, d’une horloge Louis XV, d’une vitrine en vernis Martin, de chaises, fauteuils et rideaux en soie cramoisie.

Un grand silence, fait de curiosité, d’admiration et d’envie, accueillit l’arrivée de Gilberte. Aussitôt, la maîtresse de maison effectua ou plutôt cisela les présentations en phrases contournées. Gilberte saluait.

« Et mon fils, où donc est-il, ce cher Guillaume ? »

On le tira d’une petite pièce voisine.

« Chère Mme Armand, voici mon Guillaume, il désirait vivement vous connaitre. »

Guillaume de la Vaudraye avait un assez beau visage et une tournure élégante, mais son air était maussade, ses manières gênées. Il s’inclina et disparut.

On causa tout d’abord, en cercle. Ce fut très froid. On se jetait des regards navrés. Les voix n’osaient pas s’élever. Gilberte ne soufflait mot.

Alors, pour rompre la glace on se rua sur le personnage principal, ressource suprême des salons.

Il trône toujours à la place d’honneur où sourient ses grandes dents jaunes d’anglaise. Il a un aspect trapu d’idole hindoue, il est soigné, luisant, prétentieux. C’est le centre de la vie, le sauveur toujours prêt, le boute-en-train, le maître des cérémonies, l’ordonnateur des joies, le vainqueur de l’intolérable silence. Et nul ne peut lui contester sa suprématie, puisqu’il est le seul capable de faire tant de bruit sans fatigue, et d’en faire à lui seul plus que tous les autres ensemble. Celui du salon la Vaudraye était signé Pleyel.