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LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

Il l’interrompit. « C’est moi qui n’aurais pas dû. Que voulez-vous ? je parlais, je parlais un peu au hasard, pour ne pas dire ce que je n’ai pas le droit de dire, ce qui est au fond de moi, un de ces sentiments involontaires…

— Je vous demande pardon, madame Armand, s’écria la maîtresse de la maison en rentrant, mon fils s’est trouvé fatigué, et il est monté dans sa chambre. »

La soirée musicale et littéraire était finie. Mais là ne se bornaient point les ressources du salon la Vaudraye. On s’y piquait de savoir causer. Et la conversation s’y réglait, naturellement, comme toutes choses se réglaient en ce milieu, où la répétition presque quotidienne des mêmes actes avait établi des habitudes aussi fortes que des lois immuables.

Les causeurs attitrés étaient M. Beaufrelant, qui le cultivait, disait-on, les fleurs de rhétorique avec autant de zèle et autant de bonheur que les fleurs de pleine terre ; Mme de la Vaudraye, dont la spécialité portait sur les discussions d’ordre littéraire ; M. Lartiste, que son métier d’imprimeur préposait aux hautes spéculations philosophiques ; M. Simare père, anecdotier remarquable ; enfin, M. Charmeron et sa belle-sœur, Mme Bottentuit, qui trouvaient, dans leur besoin maladif de se contredire et de disputer entre eux, une source inépuisable d’opinions, de bons mots et de plaisanteries divertissantes.

Il était bien rare que, en dehors de ces protagonistes pour ainsi dire diplômés, quelqu’un osât prendre la parole.