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LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

Elle n’en était pas jalouse. Gilberte, avec son sens exquis de la douleur, avait deviné combien l’ancienne châtelaine du Logis souffrait encore de sa ruine, de la déchéance et de l’étroitesse de sa vie, et elle lui témoignait plus d’égards et d’empressement qu’à tout autre.

Par bonté envers la mère, elle tâcha même de gagner la sympathie du fils, mais elle se heurtait en lui à un tel mélange de timidité et de rudesse, à une nature si peu sympathique, à un parti pris si évident de repousser les avances et de la traiter comme il traitait les habitués du salon, que Gilberte en était toute déconfite.

« Ne vous découragez pas, disait la mère, il est un peu sauvage, mais si plein de qualités ! »

Pourtant, une fois, Gilberte l’entendit qui murmurait entre ses dents :

« Quel ours que ce garçon-là ! »

Et elle apprit de différents côtés que la mère et le fils ne s’entendaient point.

Le salon changea. Il s’y débita toujours autant de banalités, mais ceux qui les disaient ne les énonçaient pas avec la même importance béate, Les gens étaient moins sûrs d’eux. Les virtuoses du chant et du piano cherchaient les nuances, le sentiment, Enfin, l’ordre du spectacle ne fut plus immuable, et l’on n’eut plus ces airs d’automate obéissant à des lois fatales. Il y eut des apartés, on causa entre soi, pour le plaisir de causer et selon les affinités de chacun.

Un soir Beaufrelant attira Gilberte dans un coin et lui dit :

« Je suis fou, vous entendez, madame, je suis fou,