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LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

je ne m’attache plus à rien, mes fleurs me sont indifférentes, il n’y a que vous. Je suis libre, mon nom, ma vie vous appartiendraient… laissez-moi espérer… »

Le lendemain le Hourteulx se déclara.

« L’existence m’est à charge… si vous n’avez pas pitié de moi, madame, je disparais… Voyons, est-il possible que vous me repoussiez ?… Est-ce que je vous déplais ?… Je suis veuf, riche… »

Ce fut le seul point noir qui troubla la sérénité de Gilberte, cette cour plus ou moins discrète que tous les hommes lui faisaient. Simare fils, plus habile, louvoyait et tâchait d’inspirer confiance par des affectations de délicatesse auxquelles Gilberte se laissait prendre. Mais Beaufrelant et le Hourteulx étaient impitoyables, ils la poursuivaient sans relâche, lui parlant, comme de juste, ainsi qu’à une femme qui sait la vie et ne saurait s’offenser de la passion qu’on lui avoue et des termes que l’on emploie.

La pauvre Gilberte ne s’offensait pas, mais elle était bien étonnée, et les soupirs et les emportements de ces deux quadragénaires l’ennuyaient beaucoup.

Elle les évita, et elle dut éviter également le fils Lartiste, qui essayait sur elle le pouvoir de la poésie et lui lançait à bout portant les vers d’amour les plus passionnés ; le frère de ces demoiselles Bottentuit, jeune collégien qui ne sortait que le jeudi et le dimanche et qui, la troisième fois, la menaça de se tuer à ses pieds ; un cousin de Mlle du Bocage, fiancé à l’aînée des Charmeron, et qui lui offrit de rompre son mariage et de renoncer à un parti, cependant si avantageux, pour peu qu’elle en prît ombrage.