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LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

Elle n’avait plus au Logis cette bonne impression de calme et d’isolement qui lui était si chère. Adèle dut en défendre la porte, avec une vigilance de cerbère, aux audacieux qui tentaient de s’introduire auprès de sa maîtresse sous un prétexte quelconque.

« Madame ne reçoit personne, la consigne est formelle. »

La vieille servante démasqua M. le Hourteulx travesti en mendiant et Beaufrelant sous la blouse et la casquette d’un marchand de légumes.

Gilberte ne pouvait pas se promener dans son jardin sans apercevoir sur la droite, dans le jardin contigu qui descendait du château vers la rivière, la silhouette importune de l’un de ces messieurs. Dès la nuit tombante, elle devinait des ombres qui rôdaient autour du manoir. Elle se sentait épiée de tous côtés, traquée comme une proie.

C’était le dimanche de Pâques. Après le dîner, Adèle et son mari se rendirent à la fête du faubourg. Gilberte resta seule.

Il avait plu, et de fraîches odeurs de feuilles mouillées et de terre humide pénétraient par la fenêtre ouverte du petit salon dont elle avait fait sa pièce de travail.

Le livre qu’elle lisait distraitement tomba sur ses genoux, et elle rêva, les yeux perdus sur la masse noire des arbres. Et ce fut vraiment sans raison, sans que le plus petit bruit eût frappé son oreille, qu’une